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6 janvier 2015 2 06 /01 /janvier /2015 10:36

         La seule proximité que j’aie pu jamais avoir avec le Pape, c’est celle dont me gratifiait l’excellent Louis Muron sur Radio Fourvière, il y a bien des années. Il m’interviewait une nouvelle fois, lui qui en pleine ivresse journalistique m’avait appelée « le Zola féminin » après la sortie du Livre de Juste, et se félicitait de la diversité de ses choix, précisant qu’il faisait venir à son micro qui il voulait : « J’interviewe le Pape (c’était Jean-Paul II la semaine précédente), j’interviewe Lucette Desvignes, je suis libre de mes choix »… L’association avait beaucoup fait rire et je l’avais toujours gardée dans un petit coin de ma mémoire. Elle me revient à propos de  cette belle formule papale au moment de Noël, lorsque l’avènement de la paix sur la terre est demandé pour « les hommes de bonne volonté ». Jules Romain l’avait retenue pour son interminable saga, et le bénévolat si fréquent (ou si réclamé) de nos jours dans les associations caritatives en est, étymologiquement, l’illustration. La bonne volonté implique dès le départ l’intention de se tourner vers l’autre, donc de se préparer à accepter de l’autre divers traits insolites : l’origine, le caractère, l’ethnie, la couleur de peau, la religion ou la philosophie, les mœurs, la pauvreté et ses annexes terribles – la maladie, la saleté, la mauvaise grâce à force de misère et d’amertume – bref, tant de choses auxquelles notre instinct égoïste réagit par la négative. Et certes il faut faire un effort pour être de bonne volonté, il faut surmonter ses préjugés, son intolérance, son orgueil, ses manies, sa conception personnelle et routinière du quotidien … Parfois c’est un gros effort (et pour les bénévoles, un gros sacrifice de temps, de peine, de fatigue, de souci, de liberté). Sur le plan le plus grave, celui des affrontements entre nations (parce qu’ils brassent les problèmes et font d’abord souffrir les innocents inaptes à se défendre), la bonne volonté a tant à faire qu’elle se décourage vite, débordée de tout côté ; comment ne pas admirer l’inusable patience avec laquelle les Palestiniens continuent à opposer aux armes des colons la résistance pacifique qui les expose à  des représailles sans motif ?

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A
Je viens de lire un texte qui me semble fait pour votre blog, pour son contenu, et pour la façon dont vous vous adressez à nous, vs lecteurs (belins, belines, chez Michaux ce sont des agneaux ;-))<br /> Amicalement!<br /> <br /> Henri Michaux | L'époque des illuminés<br /> <br /> Quand le crayon qui est un faux frère ne sera plus un faux frère.<br /> <br /> Quand le plus pauvre en aura plein la bouche, d'éclats et de vérité.<br /> <br /> Quand les autos seront enterrées pour toujours sur les bords de la route.<br /> <br /> Quand ce qui est incroyable sera regardé de l'ordre de « 2 et 2 font 4 ».<br /> <br /> Quand les animaux feront taire les hommes par leur jacasserie mieux comprise et inégalable.<br /> <br /> Quand l'imprimerie et ses succédanés ne seront plus qu'une drôlerie d'aspect, comme la quenouille ou la monnaie d'Auguste empereur.<br /> <br /> Quand aura passé la grande éponge, eh bien, sans doute que je n'y serai plus, c'est pourquoi j'y prends plaisir maintenant et si j'arrête cette énumération, vous pouvez la continuer.<br /> <br /> Il ne faut pas se mettre en bras de chemise pour rompre une allumette, et le poteau indicateur reste dans son rôle en ne faisant jamais la route lui-même, et la vie est précieuse à qui a déjà perdu 26 ans, et les cheveux tombent rapidement d'une tête qui s'obstine, et les pleurs ne viennent jamais que le travail une fois fini, et les genres littéraires sont des ennemis qui ne vous ratent pas, si vous les avez ratés au premier coup.<br /> <br /> Il faut toujours être en défiance, Messieurs, toujours et pressés d'en finir, le jurer et remettre son serment en chantier tous les jours, ne pas se permettre un coup de respiration pour le plaisir, utiliser tous les battements de son cœur à ce qu'on fait, car celui qui a battu pour sa diversion mettra le désordre dans les milliers qui suivront.<br /> <br /> Oh, le Passé on en fait son affaire, c'est l'avenir qui est mon tuyau crevé.<br /> Avez-vous remarqué que ceux qui sont préoccupés de l'avenir sont presque tous des révolutionnaires ? L'avenir est une bouche tellement formidable qu'on ne peut pas imaginer que le passé y rentre comme ça, en pénard — Non tout doit changer — Sans doute il y a deux avenirs : l'un qui n'apporte rien : c'est une simple allonge, et il entre tout de suite dans le Passé dont il était le bout du manche ; mais de temps à autre vient tout de même cet avenir tant attendu, le vrai. Il va arriver et il abolira bien des choses, je pense, il cassera aussi quelques pseudo-révolutionnaires qui n'avaient pas pris mesure de la taille qu'il fallait. Pas besoin de ces gamins aboyeurs, mais une ou deux idées essentielles et tout le reste retournable, et quelque chose comme boyaux et glandes pour diriger et évacuer. Les poisons seront distribués dans les rues. Les avaler tout de suite pour montrer qu'on est neufs. C'est là qu'on verra les gens solides, du coffre, j'en attendais quelques-uns à ce tournant où ils seront bien étonnés en voyant que c'est eux que je regarde.<br /> <br /> La vie est courte, mes petits agneaux.<br /> <br /> Elle est encore beaucoup trop longue, mes petits agneaux.<br /> <br /> On vous en débarrassera, mes si petits.<br /> <br /> On n'est pas tous nés pour être prophètes<br /> <br /> Mais beaucoup sont nés pour être tondus.<br /> <br /> On n'est pas tous nés pour être asphyxiés.<br /> <br /> On n'est pas tous nés pour voir clair<br /> <br /> Mais beaucoup pour être salariés.<br /> <br /> On n'est pas tous nés pour être civils<br /> <br /> Mais beaucoup sont nés pour avoir les épaules rentrées. Et cetera, celui qui ne sait pas sa catégorie la verra bien dans l'avenir – il y entrera comme un poisson dans l'eau. Il n'y aura pas vingt choix. Et on ne sortira ni ses cartes de visite, ni sa boîte à titres. On se rangera avec célérité dans son groupe qui piétine d'impatience.<br /> <br /> Malheur à celui qui se décidera trop tard.<br /> <br /> Malheur à celui qui voudra prévenir sa femme.<br /> <br /> Malheur à celui qui ira aux provisions.<br /> <br /> Il faudra être équipé à la minute, être rempli aussitôt de sang frais, prendre sa besace sur la route et ne pas saigner des pieds.<br /> <br /> Il y aura des agences de renseignements, d'explications, de bavardages. Vous marcherez, les oreilles bouchées sauf à votre fin qui est d'aller et d'aller et vous ne le regretterez pas – je parle pour celui qui ira le plus loin et c'est toujours la corde raide, de plus en plus fine, plus fine, plus fine.<br /> <br /> Qui se retourne se casse les os et tombe dans le Passé. Celui qui regretterait, s'il n'avait pas marché, aurait regretté bien davantage ; l'explication de cela vous passe.<br /> <br /> Pauvres gens, ceux qui seront arrêtés par les tournants, pauvres gens, et il y en aura — des pauvres gens et des tournants.<br /> <br /> Ils étaient pauvres gens en naissant, furent pauvres gens en mourant, sont à la merci d'un tournant.<br /> <br /> Il ne faudra pas crier non plus, la mêlée sera déjà assez intense. On ne se reconnaîtra pas, c'est pourquoi encore il faudra être pressé d'en sortir et d'aller de l'avant.<br /> <br /> Malheur à ceux qui s'occuperont à couper les cheveux en quatre, c'est rarement bon, c'est profondément à déconseiller dans les bagarres.<br /> <br /> Malheur à ceux qui s'attarderont à quatre pour une belote, ou à deux pour la mielleuse jouissance d'amour qui les fatiguera plus vite que les autres.<br /> <br /> Ce sera atroce pour les gens qui s'apercevront qu'ils auraient dû suivre une cure.<br /> <br /> Ce sera atroce pour ceux qui s'apercevront qu'ils auraient dû se tenir le cœur en état<br /> <br /> et c'est trop tard<br /> <br /> Pour ceux qui aiment voir souffrir, il y aura du spectacle, allez, mais l'époque ne sera pas aux voyeurs, plutôt aux accélérés, aux sans famille, à ceux qui n'auront aucune technique, mais un imperturbable appétit.<br /> <br /> Quant à vous, les illuminés, représentez-vous que cela ne durera pas toujours, un illuminé n'en prend pas son saoul à chaque époque — celle-là sera la bonne — on vous caressera le ventre — on vous portera comme des merveilles. Vous les aurez.<br /> <br /> Enfin ! Enfin !<br /> <br /> Mais que cela finisse vite. Je le dis pour votre bien, un illuminé ne peut durer longtemps. Un illuminé se mange lui-même la moelle — et la satisfaction n'est pas votre affaire. Vous verrez d'ailleurs comme ça finira. Les sons rentreront dans l'orgue après le service et l'avenir s'invaginera dans le Passé comme il a toujours fait.<br /> <br /> © Henri Michaux, Gallimard.
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