Avertie –voire presque échaudée – par l’expérience, j’ai décidé de me livrer à l’établissement de mes dernières volontés de manière sérieuse, rédigée et communicable aux intéressés. Tâche ardue s’il en est… L’essentiel des dispositions me concernant, autrement dit l’expédition de ma dernière apparition en public, est prévue paraphée réglée : elle dépend seulement désormais de la ponctualité des pompes funèbres qui n’auront qu’à suivre mes indications. J’ai même prévu un petit papier pour prendre congé – je n’utilise ni « dire au revoir » puisque je sais qu’il n’y aura point d’au revoir possible, ni « dire adieu » pour une raison fort évidente. Mais il y a tout le reste à régler… et croyez-moi, même avec un seul héritier (ce qui doit donc faciliter la dévolution, pas de problème) il demeure tout le bataclan (all this jazz, dit-on en américain) dont j’aimerais prévoir le destin. Non seulement parce qu’il me serait agréable d’imaginer tel ou tel vieux meuble, tel ou tel tableau, tel ou tel livre ou vase spécialement chéri réinstallé dans un cadre de vie où il sera de nouveau heureux et à sa place, mais aussi et surtout pour éviter à mes enfants le casse-tête accablant d’une répartition qu’ils ne sauraient pas par quel bout prendre. En même temps j’aimerais laisser entre les mains d’amis quelque chose de moi qui leur rappellerait les bons moments passés ensemble autrefois, ou pérennisant des goûts et des idées que nous avons si bien su partager. Tout un programme de dévolution, donc, qui m’incombe et que j’entends mener à bien, ne serait-ce qu’en prenant mon temps. Et qu’on se rassure : il restera encore de quoi faire les beaux jours d’Emmaüs…