LE FANTASTIQUE DE NOTRE TEMPS
J'en reviens à ce sens de l'horreur, du gore, de la laideur poussée à un point insupportable, qui a depuis deux ou trois décennies - et va se renforçant dare-dare - su faire les délices de tout un public (et pas forcément le seul bas de gamme sans culture ni dignité intellectuelle). Je peux faire fond sur la télé pour la délimitation du champ d'étude : certes les Frankenstein et les Nosferatu ne datent pas d'hier et faisaient déjà trembler les lecteurs et les premiers spectateurs, mais il est évident que leurs mythes ont servi de base à tous les variants qui peuplent les écrans d'aujourd'hui (et d'ailleurs les grands réalisateurs ont par révérence ou par intérêt personnel parfois souhaité redonner - avec tout le respect dû mais sans apporter grand-chose - leur vision de ces personnages destinés à faire peur dès l'origine). Faire peur, oui, autrement que par la violence dont on pouvait se rassasier par ailleurs. Faire peur, donc, par le bizarre, l'incroyable, l'étrange inexplicable, la meilleure recette y mêlant le dégoût, l'horreur, la révulsion. D'où ces bandes organisées ou non de morts vivants, têtes aux yeux révulsés, au teint de cadavres, à l'air continuellement tragique, menaçant ou ravagé, travaillés par des rancunes, des haines, des esprits de vengeance contre lesquels les vivants n'ont aucune arme. BORDER s'inscrit tout naturellement dans ce courant à faire frissonner, avec en plus une tonalité de documentaire, carrément, comme si les consternants spécimens présentés dans le film méritaient vraiment l'étude, avec aussi la suggestion terrifiante que leur humanité incomplète ou dévoyée est cousine de la nôtre et non l'incarnation du mal venue attaquer l'homme.
