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3 avril 2009 5 03 /04 /avril /2009 18:50

     Vous connaissez sans doute déjà la sensation  - pas drôle, oh que non - d'être coincé sous un rouleau compresseur, sans espoir de salut autre que son écrasement (et pour écraser les cailloux, il se pose un peu là : des gros cailloux il va faire de moyens graviers, puis de menus morceaux, ce qui pourrait vous faire passer aux expressions imagées du Chat botté : "vous réduire en chair à pâté" - bien beau la littérature, mes belins-belines, mais quand c'est vous qui êtes sous le rouleau-compresseur, hein, qu'est-ce que vous dites? Eh bien moi ce soir, je ne vous le cache pas, je suis dessous - priez bien, si vous savez faire auprès de quelqu'un d'efficace, que j'en ressorte à peu près entière pour pouvoir continuer ma tâche. Qu'est-ce que vous voulez, j'en fais trop, aussi! On me dit de tous les côtés : "Allez-y doucement, faut pas pousser le bouchon trop loin" - manière de me laisser entendre que je passerai pas le week-end, hein? Eh ben on se trompe, mes belins-belines. Mais tout à coup un doute me vient. Je compte sans doute parmi les foules qui me lisent ou m'écoutent des belins-belines pas forcément de ma génération, elle qui savait ce que c'était qu'un rouleau compresseur. Eux ne savent sans doute pas, alors je m'explique : le rouleau compresseur, c'est, comme le moulin à café ou la lessiveuse en zinc l'étaient pour la ménagère à la même époque, le symbole de la mécanique des Ponts-et-Chaussées du XXème s'épanouissant (à peine après les Années folles qui rugissaient, comme on disait chez Albion). Je crois qu'il marchait à la vapeur, en tout cas il faisait un bruit effroyable quand il écrasait les cailloux, c'est-à-dire avant de les arroser de goudron et alors il produisait des odeurs effroyables.Il fallait voir le conducteur sur sa machine, quand il paralysait des files de voitures avant de leur laisser le passage sur une portion toute fraîche où le jus noir collait sur la carrosserie, poétiquement transporté par les gravillons volages (des files de voitures, oui - elles étaient peu nombreuses à l'époque, mais les travaux routiers duraient si longtemps que des files avaient le temps de se former; certains conducteurs insultaient le cantonnier au passage, une fois le passage accordé, mais il prenait de ces allures d'empereur romain qui décourageaient les plus rancuniers). J'en parle d'ailleurs volontiers dans mes souvenirs d'enfance et de jeunesse, je vous assure que cela vous marque une conscience d'enfant de croiser un rouleau compresseur sur son chemin. Vous avez bien compris tout de même que ce soir ce n'est pas un vrai rouleau compresseur qui cherche à me repasser à plate couture : symbole, symbole, qu'est-ce qu'on ferait bien dans le vie sans les symboles? Pourtant je me sens raplapla (sinon plate, malheureusement) parce que broyée par les impératifs de mon agenda. Il n'avait pas pensé à ces impératifs-là, Kant, hein? C'est pourquoi il pouvait parler des siens si sereinement. Moi ce soir la sérénité connais pas! Tout juste si je pense à vous dire de saluer les vôtres et ceux du voisin.

                                                                                                        Lucette DESVIGNES.

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