Si j’étais dans ses souliers, comme on dit en anglais, je m’arrangerais pour disparaître dans ma honte, du moins ne parlerait-on plus de moi après avoir glosé sur mon suicide. Mais ces gens-là sont des durs à cuire : si depuis plus de dix ans l’accusé avait son compte en Suisse, puis l’avait fait transférer à Singapour (manœuvre bien simplette pour un homme expert en finances mondiales), c’est bien qu’il n’avait pas oublié ce compte en banque comme on oublie un crime ou un gros remords – bien sûr je ne suis pas dans ses souliers, mais je suppose que c’est ainsi qu’il pense, qu’il a pensé. Le changement d’avocat vaut son pesant de moutarde lui aussi : le premier avocat conseillait la dénégation à outrance, envers et contre tous, au point de devenir intenable. Du coup on se rabat sur l’avocat de la vertu, « Avouez mon frère il vous en sera peut-être tenu compte ». D’où les termes de repentance tout teintés de mystique : Je suis dévasté par la conscience de ce que j’ai fait, J’ai affreusement menti, Je ne sais ce qu’est cette spirale qui m’a englouti… Le changement de ton espère bien aboutir à un changement de l’attitude générale : peut-être pas la réintégration à son poste de député, mais un traitement en douceur, la faute avouée étant à moitié pardonnée, donc la punition coupée en deux. Faire un don de six cents mille euros au pays pour la construction de logements d’urgence à loyer réduit serait une bonne chose : ce serait sans doute la seule chose qui ferait oublier le forfait. Mais c’est une idée à moi, ça, toute bécassine, non admise par les tribunaux (question : où va-t-il aller, cet argent à confisquer ?) – moi j’arrange ça avec la main, mais je ne suis dans les souliers de personne.