Voici nos otages rentrés au bercail. Derrière les grillages de la prudence nationale, j’ai aperçu les deux journalistes de Fr3 qui descendaient de l’avion de la DGST, à peu près frais comme des roses fatiguées, et tout était prêt pour la discrétion : notre pilote ne s’est pas trop montré et n’a rien dit (je suppose qu’il va se rattraper dans la journée), sa dame de France n’a rien exhibé de ses rondeurs, les retrouvailles avec la famille se sont passées dans le salon d’honneur donc hors caméra, la nuée des journalistes parqués plus loin n’a pas pu envahir l’écran après avoir envahi le champ de prise de vue. Les Affaires étrangères et l’Armée étaient là aussi, discrets discrets : nous diront-ils ce qu’ils ont fait dans l’ombre depuis un an et demi ? Pas sûr… et puis ça ne nous regarderait que si la poche du contribuable avait été sollicitée, ce qui n’est pas (comme on dit avec sérieux dans les raisonnements mathématiques dont on vous fait singer les formules modèles à défaut d’y comprendre autre chose que Couic) : en tout cas c’est ce qu’on nous serine bien haut à l’instant même, pas de rançon, pas question – d’ailleurs j’ai appris du même coup que l’otage français est rudement coté en bourse, à l’inverse de l’otage américain qui ne se monnaye pas le moins du monde, ce qui fait que sur le marché des otages les valeurs françaises pèsent beaucoup plus lourd. Il va donc falloir songer, dit-on sentencieusement en haut lieu, à démonétiser la marchandise, au besoin en refusant désormais de payer un centime par otage, histoire de faire se répandre dans le Landerneau des Talibans et assimilés la certitude qu’il n’y aura pas de rachat, c’est fini tout ça, vous venez d’assister avec cette descente d’avion de Villacoublay au dernier exemple d’une restitution de viande française moyennant finance. En fonction de cette décision héroïque, tâchons de ne pas trop choisir des pays suspects ou dangereux pour aller chercher des images ou des nouvelles un peu originales : sachant que notre viande ne se vendra plus à l’étal des marchés exotiques, restons donc chez nous pour les vacances, d’ailleurs les farines animales (vache folle, tremblante du mouton etc.) refont leur apparition pour suppléer à la pénurie de foin et de fourrage actuelle. Passez donc vos vacances à la ferme, vous aiderez le fermier à verser les farines animales dans les mangeoires destinées à l’origine aux nourritures végétales, ce sera une manière comme une autre d’aider à la transformation des bovins en carnivores, vous aurez ainsi participé à une grande cause nationale. Bonnes vacances !
