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10 juillet 2020 5 10 /07 /juillet /2020 19:39

          Transmettre, c’était même une espèce de rage chez elle. Quand elle pensait à Bradbury qui rêvait de tout transmettre à un collectif mouvant et immortel, lequel  se constituait en une mémoire universelle directement utilisable,  elle comprenait son désespoir de ne pouvoir tout transmettre  car elle aussi se désespérait de ne pouvoir arranger la permanence de son savoir en tant de domaines. Et les émotions, et les expériences, et les ressentis du beau. Et la science des conjugaisons, à partager et faire connaître comme on ^partageait le pain autrefois –le subjonctif imparfait, ce délice, Et le discours indirect, cette ivresse… Et les raffinements de la grammaire latine, ça aussi ça devait être partagé pratiqué encouragé. L’ablatif absolu dont, mine de rien, elle truffait ses textes… Elle les reconnaissait sous leur forme francisée, quand elle en croisait un elle en cherchait d’autres par sympathie, Toute besogne cessante, L’invité survenant en retard, La pluie tombant avec violence, Une fois la difficulté surmontée, La guérison se faisant attendre, L’entente signée et paraphée….et ce « Moi parti » de son voisin que citait plaisamment Paul Cazin dans L’Alouette de Pâques… Et que surtout on n’allât pas considérer ces membres de phrases qui formaient un tout autonome comme des sujets à flanquer d’un verbe conjugué – grrr ! Mais c’était de la petite bière à transmettre, ça, au regard  de tout ce qu’elle recélait comme richesses – musique, peinture, littérature, cinéma, théâtre…Disparaître, c’était entraîner cela dans le tumulte de la disparition – disparu corps et bien : il n’y avait pas à repasser là-derrière, c’était aussi tranchant qu’un couperet.

          Il faudrait qu’on lui passât ses manies, bien entendu, car ce qu’elle savait et jugeait utile et à transmettre, pouvait fort bien relever d’un engouement maniaque. Mais ces manies étaient à elle, faisaient partie d’elle, étaient en elle : on ne pouvait les extraire sans déchirure des tissus vivants. Elle ne pouvait parler d’elle sans se montrer telle qu’elle était, tant pis si au passage elle exposait son amour du détail ou ses manies, et bien sûr aussi ses manques, ses failles, ses insuffisances. Il faudrait la prendre comme elle était. Et elle, c’était aussi l’armée de ses créatures, qui sorties d’elle quand il l’avait fallu avaient regagné leur place en elle, non pas dans l’anonymat des limbes non encore aménagées en pulpe visible palpitante palpable mais bel et bien parées à jamais d’une forme étiquetée, oui, qui portait un nom, qui avait vécu de manière autonome, qu’on avait connue, qu’on avait vu vivre, aimer, souffrir, mourir, tout cela – tous ceux-là – revenus en elle comme s’ils n’avaient jamais réussi à la quitter, puisqu’ils tiraient d’elle leur substance, leur pouvoir magique d’humains avec une vie à vivre…

          Une vie à vivre, elle ne savait plus bien ce que cela voulait dire, en vérité. Elle était derrière elle, sa vie, elle n’était plus à vivre, elle était vécue. Elle pourrait encore, à la rigueur, envisager ce que devrait être la vie à vivre d’un personnage, un ou une, dont elle penserait retracer le destin, ce qui la ferait le vivre en même temps, mais justement elle ne croyait plus guère à cet élan d’une imagination qui se tassait peut-être, qui perdait de sa force, qui ne bousculait plus rien comme si souvent dans le passé au moment de sortir au jour.  Etre et avoir été – c’était déjà merveilleux d’avoir été. Être, c’était continuer en fonction de la vitesse acquise, elle n’oubliait jamais qu’elle avait été championne de course de son collège, en des temps très anciens, et il lui en était sans aucun doute resté quelque chose. Être, c’était encore marcher à petits pas, les grandes enjambées défuntes (celles dont sa mère la morigénait lorsqu’elle déambulaient côte à côte dans les rues, Mais qu’est-ce que c’est que ce pas de grenadier ? Ne peux-tu marcher comme il faut, surtout avec ta taille ? – il était vrai que son forcing, comme disait Rémi, était peu assorti avec ce mètre quarante sept qui n’avait jamais conquis la cinquantaine et, même, qui se tassait de deux ou trois unités depuis quelques années).

          Elle avait vécu, et à plein. Elle s’était exprimée de toutes les manières offertes à l’humain, le corps, l’esprit, les sens, la parole. Elle avait aimé la vie en

elle-même, pour elle Laure, pour les autres. Ah ce respect de la vie, cette ferveur devant la vie des autres, devant tout ce qui bougeait et respirait, bêtes et gens, insectes et fleurs – avec ces échanges incroyables entre les plantes et elle, les amitiés avec les insectes, les vers de terre (combien de fois n’avait-elle pas, après une averse, déploré le sort du lombric imprudent qui trompé par l’humidité du sol s’était aventuré jusque sur les dalles vite devenues trop sèches pour lui et dont elle remplaçait la résignation à une lente agonie par le retour sur la terre meuble où cacher ses blessures ?). Et les caresses aux  plantes, les  baisers furtifs aux hibiscus qui s’offraient langoureusement à ses regards, en attente de contact, et à qui elle parlait en chuchotis câlins, appuyés et construits, oui de vraies phrases qui étaient des compliments et des encouragements à continuer d’être aussi beaux…Pour les chats, c’étaient des discours tendres, des entretiens amoureux auxquels ils répondaient avec la queue dressée, par des ronrons élégants, discrets ou tonitruants, lesquels s’étouffaient dans la gorge comme des fous rires. Et cette jouissance, dès les premiers beaux jours, à cueillir dans les plates-bandes du jardin, avant que le jardinier ne désherbe, les petites touffes si nettes du cresson alénois, au goût de cresson de fontaine un peu soutenu, un peu plus âcre, même lorsque la minuscule pyramide florale avait déjà dépassé le stade du bouton à peine ouvert…avec des excuses murmurées aux toutes premières cueillies – mais pas à toutes, ce serait ridicule : limitée aux déléguées, la courtoisie s’imposait comme une gentillesse entre personnes de bon aloi.

          Et les gens, alors ?...Quand elle avait pris sa retraite et donc, un peu avant l’heure, abandonné ses bien-aimés étudiants de Saint-Etienne en redoutant de ne plus avoir de contact avec ses semblables, elle ne se doutait pas que les lecteurs et les lectrices, rencontrés dans les salons ou au cours de signatures, en feraient peu à peu un succédané fort convenable. Que d’émotions à converser avec des amateurs des Nœuds d’Argile, du Grain du Chanvre ou de Vent debout qui connaissaient ses personnages aussi bien qu’elle, leur créatrice, qui lui citaient des détails ou des répliques comme si ils ou elles les avaient lus la veille !..Et puis de petites satisfactions ici ou là. Par exemple, quand une amie lui apprenait qu’elle avait discuté de Clair de Nuit avec sa voisine qui le lisait dans l’avion Paris-Bruxelles, ou quand une nièce en vacances sur une plage du midi précisait sur une carte postale  enthousiaste avoir vu la dame d’à côté lisant Le Livre de Juste, ce gros pavé qui n’avait rien d’un bouquin pour la plage…Plus la rencontre était inattendue, plus elle causait d’émoi, de fierté encore un peu incrédule. Cela, c’était pour les débuts, ou presque, de ses publications : une fois qu’elle avait pris le pli de cette adéquation entre ses textes et son lectorat, même s’il n’était pas question qu’on la saluât dans la rue avec cet air obséquieux et gourmand des téléspectateurs qui ont vu votre bouillotte sur le petit écran, elle se sentait assez justifiée pour avoir le droit de continuer. Il y avait longtemps qu’elle ne se posait plus la question. Ce n’était jamais pour le public, même pas pour son public, qu’elle écrivait : elle écrivait pour elle, parce qu’elle avait envie d’écrire, et tant mieux s’il se  trouvait des gens pour avoir envie de lire ce qu’elle écrivait. Comme pour ses mentions des animaux : certains lecteurs devaient bien passer rapidement sur des pages où un chat ou un chien avait sa place, mais d’autres de ses lecteurs lui avaient dit qu’au moment où le chat Pépère se faufilait à l’atelier pour y retrouver Marrain ils avaient bien cru l’entendre ronronner. Question d’antennes, au fond, d’organisations semblables de sensibilité – mais, à ne pas négliger non plus, la façon de dire…

          C’état sans doute à cela qu’elle tenait le plus, de tout l’ensemble idées et mots qui avait bâti ce « gros œuvre ». Elle l’avait dit dans son discours de réception lorsqu’on lui avait remis le Prix Bourgogne pour sa trilogie « Les Mains nues ».Elle avait de tout temps estimé qu’on ne pouvait être écrivain sans un style – et un beau jour elle savait qu’elle avait atteint trouvé recueilli ce style. Lorsque les graines ont mûri dans la cosse, la cosse s’ouvre d’elle-même. Un style bien à elle, inimitable répétait-on à l’envi chez les éditeurs, et il l’était peut-être. En tout cas on le reconnaissait dès le début de la première phrase, et c’était sa fierté depuis le premier jour, depuis sa prise de conscience que Laure c’était elle et qu’elle écrivait comme personne d’autre ne le faisait. C’était bien ce qu’elle avait constaté et constatait sans cesse, mais il y avait aussi tous ceux qui en parlaient, critiques, journalistes, lecteurs fidèles, proches ou gens de rencontre, toujours pour souligner cette facture singulière, ces structures inattendues, ces rythmes internes qui soudain se manifestaient au grand jour comme pour s’assurer qu’on les avaient bien perçus, cette musique de l’oralité, ces mélanges d’intensités et de registres. Et puis cet écoulement, chuchoté ou d’ample respiration (cela, c’était la formule chérie de l’amie roumaine qui avait voué sa vie d’amie et de critique à l’étude passionnée de ses textes) qui ruisselait

au long des pages sans avoir besoin de vérifier si on le suivait ou non, parce qu’on sentait bien qu’il vous emportait pieds et poings liés, la respiration coupée…

          Vuk avait eu raison de la pousser dans cette voie de l’écrit alors qu’elle était si agitée de réticences. Ce serait une dernière chose, certes – mais pourquoi serait-elle inférieure à ce qu’elle avait produit de mieux ? Et maintenant qu’avaient été dépassés les doutes, l’effort, les angoisses, les élans, les arrêts sur images (ces stops brutaux vous retenant au bord d’un gouffre, avec l’impression que vous alliez y tomber dans le vertige de l’exaltation) c’était bon de pouvoir se dire que vous aviez gagné votre pari. Même si ç’avait surtout été le pari d’autrui, voilà, c’était fini, c’était gagné. Restait à savoir si l’emporte-pièce plairait, ce qu’elle avait asséné au fur et à mesure que l’envie ou le besoin s’en faisaient sentir allait certainement hérisser. On n’était pas obligé de partager son amour débordant pour les animaux, ni ses opinions que, loin de les dissimuler ou même de les atténuer, elle exposait quand cela se trouvait, ni plus ni moins souvent, juste parce qu’elles venaient se présenter dans le fil du discours, ni réticence ni provocation, besoin de dire, tout simplement.

          Et dire sans fard, sans tricherie. Enoncer que les Israëliens se défoulaient de leurs sentiments de vengeance, pourtant  imputables aux nazis allemands, sur les Palestiniens parce qu’ils étaient sans défense, à leur portée, qu’ils étaient pauvres et prolifiques. Préciser qu’ils brandissaient à chaque instant avec dolence le souvenir de cette Shoah dans l’espoir qu’on ne verrait pas – mais si, on le voyait ! – qu’ils avaient retenu de l’enfer des camps d’extermination les formules à pratiquer pour les exterminations qui leur convenaient : priver les Palestiniens de nourriture, d’eau, d’électricité, de fuel, de l’argent qu’ils auraient dû leur remettre et qu’ils confisquaient, de liberté de déplacement, de la possession de leurs terres ancestrales, de leurs maisons ou de leurs cultures pour y installer leurs colonies. L’épuration ethnique que symboliserait à jamais la Shoah leur servait de modèle, ils en poursuivaient le projet avec la même cruauté froidement, criminellement raisonnée (du moins c’était là ce que pensaient et faisaient leur armée, leurs divers gouvernements, leurs extrêmes-droites criminelles, leur Likoud) sans faire intervenir le moindre sentiment de pitié (c’était tellement ce que faisaient les nazis à Auschwitz, à Dachau, à Theresienstadt, à Treblinka, au Struthof…). Oui, dire les choses comme elles étaient, en faisant ressortir ce qu’elles signifiaient en vérité ou en horreur, afin que les étourdis ou les inconscients si facilement marqués par les rumeurs frontistes pussent, avec un peu de chance, au moins s’arrêter une minute pour réfléchir à la chose (pour les convaincus, ce serait peine perdue, mais les convaincus n’allaient jamais acheter ce livre).

          Ce livre, ce livre… A peine vagissant – elle ne l’entendait même plus. Mais c’était d’elle que venait cette impression de silence, elle savait qu’il était là, et qu’il vivait, puisqu’il vivait de sa vie à elle. Plus qu’aucun autre peut-être même avant lui… Comment savoir ? Elle avait tant aimé certains, elle les avait        portés en elle pendant de si longues gestations – vingt-deux mois pour Les Nœuds d’Argile, neuf mois seulement pour Clair de Nuit, si curieusement écrit dans la foulée et si curieusement suivi, sans reprise de souffle (non, trois jours seulement de « La Matinée » au « Dernier Soir ») par ce Grain du Chanvre qui reprenait le fil de l’histoire juste là où elle n’avait pas mis le point final à la mort de Francis. Ah reprendre l’histoire des Pacôme au moment de la mort du père, pousser Jeanne à renaître de ses cendres, à aimer de nouveau, puis à s’émanciper dans les voyages avec un cœur désormais cadenassé…Retrouver les émois d’un autre couple dans une autre saga, bien-aimée elle aussi, leur faire franchir l’Atlantique pour pouvoir s’aimer librement… Elle avait tellement aimé faire vivre ce Wolf, cette Leni, ce Valmy, ce Mich, ç’avait été un foisonnement de vies si exaltant à accompagner et à dépeindre… Etait-ce un signe des temps qu’elle eût cette fois consacré son écriture à se peindre parce qu‘elle n’avait plus personne autour d’elle pour entretenir les élans d’une recréation frémissante ?

          Elle l’aimait aussi, celui-là… Ce « queulot », comme on disait pour le dernier moineau d’une nichée, parfois le plus chétif, mais pas  nécessairement tout de même (voilà qu’à la seule idée de cette infériorité elle montait aux créneaux). Peut-être pas de la même manière, passionnée et violente. Mais elle l’aimait, elle sentait bien qu’elle l’aimait. Et pas seulement parce qu’il venait de se détacher d’elle, qu’elle s’attendrissait de lui avoir donné la vie, qu’elle s’étonnait même, presque (mais presque seulement) de l’avoir réussi comme terme de son entreprise physique, oui, matérielle, puisqu’il était là, bien là, avec toutes ses pages - qu’elle allait sans doute modifier avec des suppressions à contrecœur et des ajouts toujours justifiés. Oui, elle avait toujours préféré le plus au moins, le trop au pas assez, elle ne s’en cachait pas, elle le proclamait sans état d’âme, cela aussi il fallait le lui passer, jamais elle ne se sentait aussi bien, aussi elle-même, que dans les grandes envolées lyriques lorsque soudain le flux des mots se mettait à flamber sans qu’il y eût de sa faute à elle Laure, c’était ainsi, il fallait le prendre comme il venait, le suivre surtout sans perdre pied, sans perdre le tempo, les mots couraient, s’emplissaient de sens de sentiment de passion il n’y avait qu’à suivre tout s’enflait comme une vague on se laissait porter par cette houle mais il ne fallait pas oublier d’écrire de transcrire de transmettre et c’était parfois une torture de devoir écrire au lieu de simplement écouter ce qui se disait en elle

          Allons, bon, qu’avait-elle à rêvasser de la sorte ? Elle n’avait tout de même pas à se justifier d’aimer ce nouveau-né qui ne manifestait pas qu’il était en vie, mais elle savait qu’il vivait, elle sentait encore son cœur qui battait comme lorsque dans les derniers instants ils n‘en avaient qu’un, certes à présent c’était le sien à elle qui battait le plus fort mais elle savait que l’autre avait conquis son autonomie, elle le savait puisqu’elle la lui avait léguée, c’était sa fierté et son soulagement. Et elle lui devait un nom, encore – la mise au monde s’accompagnait d’annexes pas toujours drôles, mais ce choix du nom lui revenait à elle seule. Il  devait être assez frappant pour se démarquer des autres, ceux des portées précédentes qui avaient été conçues dans d’autres circonstances, selon d’autres conjonctions d’astres. Un nom bien à lui, en somme, peut-être même qui annonçait qu’après lui il n’y aurait plus rien.

          Et qui sonnât bien. Haut et clair. Annonçant la teneur, comme la couverture d’un livre donne une idée, peut-être non de l’histoire à découvrir mais  au moins de sa tonalité. Rien n’empêchait de rêver devant la couverture du livre dans lequel on allait se plonger, même si c’était une couverture blanche, juste un filet de couleur pour souligner l’austérité de son rectangle – un minimalisme de bon aloi, enviable pour une fois…On n’avait pas besoin de doubler l’impact du titre, il devrait suffire. Haut et clair. Son titre serait-il cette fois au niveau des autres, de tous les autres, attachants évocateurs poétiques ? Beaux : tout le monde s’accordait là-dessus. 

          Alors, celui-ci ? Tout sur Laure ?... Elle n’aurait pas tout dit, en toute honnêteté, il y avait des choses qui ne se disaient pas. Il fallait bien préciser qu’il ne parlerait que d’elle, afin que les peureux pussent tourner bride et les indifférents s’abstenir – ou ceux, bien sûr, qui ne l’avaient jamais aimée et n’avaient pas aimé la lire. A propos de Laure ? Cela lui faisait un peu trop penser à cet A propos of Dolores qui sentait trop un Huxley si étrangement daté. Et certes ce serait bien d’elle qu’il s’agirait, Je suis moi-même la matière de mon livre etc., ce serait affiché, cartes sur table, rien de secret, la transparence (la vraie, et non celle que brandissaient les politiciens pour mieux dissimuler leurs fraudes et leurs turpitudes), et chacun saurait que s’il voulait un autre sujet de découverte ou de méditation il lui faudrait dare-dare reposer le livre et foncer ailleurs. Et puis il faudrait  peut-être faire intervenir un jugement extérieur, avec ou sans loupe, sans passer par elle – mais c’est qu’avec ce livre il faudrait passer par elle  sans arrêt. Avec un Avant-propos peut-être ? un Avis au lecteur ? Oui, Laure c’est moi. Je vais donc vous parler de Laure, donc de moi, en long en large et en travers…

          Elle savait que l’impatience, de l’autre côté de la porte, allait devenir (ou était déjà devenue) insupportable. Non seulement pour Vuk presque malade de tension, mais aussi pour Claudie qui elle aussi trouverait que cette attente devenait inquiétante et qui était sans doute toute prête à intervenir, comme dans les moments de grande crise. Elle songea à l’accueil reçu après ses trois ou quatre jours de claustration, tout au début de l’entreprise, à ce soulagement de la voir sortir souriante, à cette joie de deviner qu’elle était lancée sur une piste qu’elle suivrait jusqu’au bout. Quelques mois s’étaient passés depuis, le printemps allait bientôt s’annoncer, Vuk était resté chez elle pour continuer ses    études à la Fac, les chats allaient tous bien y compris le dernier recueilli, ce rouquin malingre qui recherchait le confort contre elle en se plaignant tristement mais dont elle avait soigné les plaies et les yeux larmoyants. Et le livre était terminé. Tout baigne, aurait dit Rémi.

          Elle allait  donc retrouver son monde, une fois la porte ouverte, elle aurait déposé les tensions qui avaient encombré l’atmosphère de ces derniers temps, paralysant l’aisance des conversations dans la crainte de toujours revenir à ce sujet qui la rongeait et qu’en dehors de l’écriture elle aurait souhaité négliger. Ce n’était pas le moment d’en parler, même incidemment – elle aurait eu honte de paraître distribuer quelques rares miettes de sa réserve comme si la jalousie ou la méfiance la retenaient par principe de s’ouvrir davantage. A présent on pourrait se remettre à parler de tout, y compris du livre, et désormais elle ne s’en irriterait pas, il serait là pour ça, il était né et il avait envie de vivre, elle allait laisser les autres s’en occuper s’ils en avaient envie. Elle voulait juste leur annoncer le titre, seule manoeuvre théâtrale remplissant la fonction des jambes de Mistinguett sur son escalier des Folies Bergères ou du Casino de Paris – L’ai-je bien descendu ?

          Mais elle aussi allait montrer son savoir-faire. Il suffisait d’un titre bien trouvé, haut et clair, sonnant sans trébucher, à claironner comme paraphe ultime.

Ce serait vraiment là un point final. Un vrai. Pour le livre, pour la carrière de l’écrivain. Une signature en dessous de l’autoportrait. Mais pas pour exprimer la satisfaction béate d’avoir pu fixer ses traits sur la toile : savait-on suffisamment bien lire dans les regards de tous ces grands peintres qui sans arrêt recommençaient ce travail sur eux-mêmes ? Lire combien les angoissait de voir fixé à jamais le résultat de tant de concentration et de travail ? Elle aussi, au fond, avait montré son travail. Le travail de toute une vie, dans les deux directions qu’il avait bien voulu prendre – et même comment elle avait entrepris cette dernière tâche, l’avait menée à bien, par les monts et les vallées de l’humeur, n’avait jamais dissocié  les ressorts de son expression de l’effort et de la méditation, n’avait jamais dissimulé comment elle s’y prenait pour métamorphoser  les pensées ou les souvenirs en écriture destinée à demeurer.

          Soudain un éclair. Laure dans le titre bien sûr, mais Laure au travail ? C’est vrai, elle avait été une bûcheuse toute sa vie, elle n’avait jamais souffert d’avoir à travailler. Mais là, pour tout condenser exprimer expliquer… Laure à l’œuvre ? Mais oui, Laure dans ses pompes et ses œuvres, en train de terminer le gros œuvre cher à Rémi.  Laure à l’œuvre… Cela sonnait haut et clair. Elle eut une pensée pour Rémi, elle le vit prendre son air moqueur pour souligner le manquement à sa parole. Tout à coup, le vent fraîchit. La montagne devint violette. C’était le soir. Elle allait ouvrir sa porte, sans emphase, avec naturel. Oui, c’est fini. Que pensez-vous de Laure à l’œuvre ?

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commentaires

M
Je suis tellement excité que mon ex mari soit de retour dans ma vie après que nous ayons eu une dispute sérieuse qui l'a conduit à me quitter, ma vie était un gâchis sans lui parce qu'il était ma source de bonheur j'ai essayé de l'appeler mais il n'a pas répondu appeler mais tout a pris fin après avoir contacté ce lanceur de sorts authentique et puissant appelé DR Padman qui a jeté un sort d'amour sur mon ex mari pour lui faire réaliser combien il m'aime et que nous sommes censés être ensemble pour toujours, depuis lors, nous n'ont plus jamais eu de querelle et notre amour l'un pour l'autre continue de grandir chaque jour. contactez-le maintenant pour un sort d'amour urgent à padmanlovespell@yahoo.com ou padmanlovespell@yahoo.com ou ajoutez-le sur WhatsApp +19492293867 site Web https://padmanspell.com
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