pluie,pluie,pluie...

     Savez-vous que "Pluie, pluie, pluie" pépié comme "mi mi sol" est le joli chant du pic vert, quand le temps tourne à l'humide? Manière de nous tenir informés, bien sûr, mais aussi manière de se réjouir que la pluie lui amène des vers et des insectes comme il en grouille dans l'herbe et sur le sol dès qu'ils se trouvent un peu mouillés. Je ferais d'ailleurs mieux de dire  comme il en grouillait, en employant l'imparfait pour une époque hélas résolue. Vérification expérimentale, comme disait Claude Bernard : qui de nos jours a déjà vu une courtilière? un méloé? un grillon? Qui a fait fuir, à chacun de ses pas dans les hautes herbes, des volées de  petites sauterelles, les vertes ou les ivoire, ou les granuleuses couleur de sable,  plus grosses, qui en s'envolant révélaient d'étonnantes et fragiles sous-ailes bleu ardent ou rouge vermillon? Et les agrions azur ou écarlates aux reflets métalliques, avec leur corps annelé si mince qu'on se demandait comment l'envol même ne risquait pas de le briser? Impossible d'évoquer mon enfance sans évoquer ce décor animal bruissant, mais parle-t-il encore un langage compréhensible aux générations qui me survivront? Je les plains, car c'était si exaltant de voir les grillons à l'entrée de leur domaine dans les taupinières, noirs et luisants comme de la réglisse,  tout en cueillant des marguerites par les beaux jours de fin mai. Je pense qu'aujourd'hui les Champs Elysées vont être arrosés, avec un peu de chance. On va sans doute tendre une bâche au-dessus de l'estrade présidentielle, mais les bataillons vont défiler sans parapluie, et la garden-party sera probablement fort arrosée : pour changer, ça mériterait le coup d'oeil. J'ai souvenance d'un 14 juillet    à Paris, alors que je faisais partie du jury d'agrégation des Lettres modernes filles (car les jurys de concours travaillaient dimanches et jours fériés, je vous l'apprends peut-être). Je prenais mon métro à Palais-Royal pour me rendre au lycée Marie-Curie de Sceaux, j'étrennais une petite robe en voile de coton que j' avais achetée dans le quartier du Temple deux jours avant (mon jour de relâche : cinéma toute la journée en combinant les horaires, début dans un Cinéac à 1O h du matin, ensuite la tournée des cinoches du quartier latin, juste une petite pause dans l'après-midi pour reposer les yeux et faire cette emplette). Allons, bon! voilà déjà le terme de mes galipettes auprès de vous! Vous ne perdrez rien : la suite à demain, dans tous ses détails. Bisous bisous, caresses aux mirons.
                                                                               Lucette DESVIGNES.