Je repense – allez savoir pourquoi ! – à ce poème de Verlaine mis en musique par Charles Trenet, ce poème qui s’intitulait Chanson d’Automne .et qui désormais s’appelle, tout simplement, Verlaine. Je m’étonne à chaque fois de la perception aiguë qu’a eue le musicien de cette poésie si triste, lui qui, baptisé le Fou chantant, yeux écarquillés et chapeau J3 en auréole, prenait son élan avant toutes ses prestations en rebondissant sur place comme s’il était monté sur ressorts . Je m’étonne de la manière dont il a su rendre cette nostalgie si profonde par des sons assez tonitruants près de cent ans plus tard, de la jazzification impavide d’un texte si classique, des tonalités graves et chargées de chagrin de son registre d’habitude si drôle.Il n’y a guère que Brassens, à ma connaissance, ou Leo Ferré peut-être, qui aient mis en musique – en leur musique à eux, bien sûr – des poèmes comme ceux de Villon, ou de Ruteboeuf, ou de Victor Hugo s’amusant (Enfants, voici les bœufs qui passent…) : c’est qu’il faut être soi-même poète, et de la plus belle eau, pour faire passer la poésie d’un texte ancien dans le contexte contemporain sans qu’il ait pris une ride ni perdu de sa beauté.