L’autre exemple de remake dont je vous parlerai aujourd’hui (oui, je continue : vous savez bien que je suis comme un chien qui ne veut pas lâcher son os tant qu’il lui trouve encore un peu de goût) c’est la refonte totale par les frères Coen des Lady Killers de douce mémoire. Il n’y avait rien d’évident ni même de naturel à transplanter dans la touffeur de l’Alabama l’épopée secrète et musicale de ces tueurs de dames si éminemment londoniens et de les regrouper en un quatuor si éminemment sui generis – mais justement : il n’y a déformation, bousculade, innovations que dans le rappel constant du modèle, ce qui est facile à mesurer et à percevoir pour les spectateurs du film ancien. A tel point qu’on demande à ceux-ci une véritable complicité dans cette reprise, où les petites vieilles dont l’innocence est utilisée par les malfrats britanniques sont remplacées par une truculente, une extraordinaire mémé noire pleine de rhumatismes. Même si le climat baptiste des mentalités et des dévotions chantées n’a pas de rapport avec les divers intermèdes musicaux de chez Mrs Wilberforce ; même si le hold-up d’un casino par creusement d’un tunnel n’a rien du stratagème magistralement minuté sur fond de British Railways ; même si les deux opérations relèvent de deux niveaux de cogitation et d’exécution inconciliables ; même si les individualités de rang social ou de quotient intellectuel jubilatoirement en contraste semblent ici et là regroupées en cocktails explosifs absolument sans point commun… – le thème de Tueurs de Dames est développé à la perfection, manigance machiavélique et déconfiture des malfrats, dévolution aux innocents du résultat du vol… Seul un grand et affectueux respect pour le réalisateur du film choisi comme source d’inspiration, Alexander Mackendrick, a pu faire naître ces transpositions un peu branques, s’épanouir ces élaborations échevelées dont les frères Coen sont coutumiers : on retrouve là toutes les méditations sur le bien-fondé de l’imitation au cours des siècles. Reprendre Esope ou ¨Phèdre pour faire du La Fontaine, reprendre Euripide pour faire du Racine, reprendre Plaute pour faire du Molière…Voilà que je rattache le sujet des remakes à une vaste problématique, dont je pourrais bien vous toucher deux mots quelque jour….
Jean-Pierre D. J'aimerais établir le contact avec Adamanta/ine, mais je ne maîtrise pas la technique...