3 mars 2010
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Dans les universités - tout au moins c'était comme ça que ça se passait de mon temps : aujourd'hui,
allez savoir ce qu'on y enseigne - l'un des grands problèmes littéraires était celui de l'imitation. Ah! la querelle des Anciens et des Modernes! Ah! l'imitation des grands d'autrefois, seule
source de qualité! (en fait, si on vous faisait traduire un passage de "l'Aulularia "de Plaute et que vous vous serviez pour rendre votre copie de la scène de la cassette d'Harpagon signée
Molière, vous gagniez une note époustouflante en version, car la version c'est Molière qui l'avait faite avant vous). De la même manière, si vous regardez de très près certaines fables
de La Fontaine par rapport à celles d'Esope ou de Phèdre de même titre, l'originalité de notre bon fabuliste en prend un sacré coup. Cela m'a toujours rendue rêveuse, cette nécessité fondamentale
de refaire les grands modèles en tâchant d'y apporter sa petite note personnelle, et ce n'est certainement pas parce que Racine a doté Hippolyte de la pâle Aricie que dans sa "Phèdre" le garçon a
oublié son orphisme de base. Je pense ce matin aux célèbres reprises du cinéma, ou plus exactement aux reprises (plus ou moins loupées) de films célèbres. Le "King Kong" de Guillermin, le remake de
"Psychose" (tant admiré par le repreneur qu'il a reproduit les scènes plans par plans, histoire de prouver son émerveillement - l'utile, le beau, l'art, dans cette démarche-là?), la refabrication
des "Trente-Neuf Marches" (seul avantage pour moi : y retrouver les paysages de torrents de Killin où nous avons passé de merveilleuses vacances écossaises en...66) - je pourrais en citer d'autres
dont l'entreprise ne se justifie pas. Au contraire, je brandis les "Tueurs de Dames" des frères Coen malgré les moues de la critique (pas toujours bien disposée ni ouverte à l'originalité) comme
une vraie réussite. Avoir transplanté cette escroquerie machiavélique du coeur de Londres en plein Alabama, personnages noirs truculents, non point bourgeoisement démodés comme dans le modèle, mais
au contraire très plébéiens, Baptistes de surcroît, contexte entièrement rénové, climat des tropiques, scènes d'église, creusement de tunnel, d'où un aménagement totalement repensé
dans un humour de nature totalement différente, ça c'est de l'art, cela mérite d'être mis sur pied, cela m'enchante. Certes je ne suis pas objective dès qu'il est question des frères Coen, j'ai vu
tous leurs films plusieurs fois, je les adore tous - mais vous devriez vous régaler devant ces "Ladykillers" d'Alabama, surtout - j'insiste - si vous connaissez par coeur le film d'Alec Guinness...
A demain!
Lucette DESVIGNES.
Lucette DESVIGNES.