Les Français s’y mettent – les modes et célébrations d’Outre-Atlantique sont devenues nôtres, il n’y a plus guère que l’Independence Day et le Thanksgiving que pour de manifestes raisons historiques nous n’avons pas adoptés. Pour Halloween, pour la Saint-Valentin, c’est fait : la fête des amoureux, longtemps ignorée chez nous pauvres primitifs non sentimentaux, est devenue un must comme les bijoux de chez Cartier. J’avais fait connaissance avec ce délire de célébration il y a bien longtemps, quand j’enseignais dans une université du Canada de l’ouest. Un peu penaude, j’avais vu dès le matin les roses s’échanger alors que je n’avais en rien contribué à cette vague d’amour qui boostait les familles : les fils offraient des fleurs à leur mère qui offraient à quelques amies choisies le déjeuner de la Saint-Valentin (je suppose qu’il devait bien surtout y avoir des échanges de cadeaux entre amoureux, mais dans la famille où j’étais on ne s’occupait que des rapports entre générations)….Ce que je retiens surtout, c’était que la journée paraissait aussi importante pour les femmes que le 8 mars chez nous : on se regroupait entre copines, on semblait avoir banni la notion même de mâle – ce n’était pas ce que j’attendais ! En tout cas, pendant trois ou quatre jours j’entendais mon amie parler du pain qu’elle allait choisir de faire pour ce dîner intime – aux noix ? aux dattes ? à l’oignon ? aux olives ? - sollicitant mon avis : que faisais-je en pareil cas ? Ma réponse – j’allais tout simplement chez le boulanger – n’aidait guère. Bref, le jour venu, la recette finalement élue ayant loupé, on se contenta du pain en tranches vendu au kilo et, comme le temps avait manqué pour songer au menu, les boîtes de conserve étaient entrées en danse : sardines, corned beef comme rôti, haricots verts pour accompagner, ananas en tranches pour conclure. Ah quelles agapes, mes belins-belines ! Inoubliable… dont preuve.
