Oserai-je? Oui, j'ose : donc, sitcoms 4 (pourquoi pas, puisque mon sujet n'est pas épuisé et que, pour britannique qu'il soit, il peut nous concerner aussi par comparaison avec nos propres évolutions de moeurs). Donc on boit dru et ferme dans les chaumières de l'Est End, indépendamment d'ailleurs du levage de coude dans son endroit prédestiné, dans le pub de la vieille queen Vic dont le buste l'évoquant dans ses dernières années, sévère et même l'air bougon, n'influe aucunement sur l'abondance des boissons. Je précise que faisant concurrence à la bière (même si elle est fréquemment servie au broc, chacun répartissant les rations selon les invités qu'il a à sa table) les "aliqueurs fortes" qui épouvantaient mon arrière-grand-mère se multiplient gaillardement : scotch, gin (le chouchou de ces dames), vodka - c'est l'heure de l'apéro, comme chez nous, sauf que le stage au bistrot se fait en famille : on y admet les enfants dès le lendemain de leur dix-huitième anniversaire, l'incorporation se fait en public, ouvertement. C'est le lieu de la détente en théorie, puisque précédant le repas du soir (d'ailleurs à part les saucisses et les chips mangées sur des assiettes en carton devant la télé, la maîtresse de maison n'aura pas grand chose à préparer, tant mieux pour elle, son temps de pub est sacré, il englobe l'échange des derniers potins de voisinage, pas question de lui rogner sur ce domaine-là, tant pis pour la gastronomie, on l'ignore volontiers et personne n'en souffre). Détente, disais-je, en théorie seulement : les réglements de compte y sont fréquents, entre époux trompés, parents et ados en rébellion ouverte, maîtresses en devenir et maîtresses sur le retour ... Tout le monde se connaît, les demandes officielles en mariage y sont fréquentes, tous les assistants debout autour du promis un genou en terre - "Will you marry me?" - si par hasard la réponse tardait, après un silence où on aurait entendu, non pas voler une mouche mais "tomber une épingle", chez eux c'est comme ça que ça se passe, les encouragements se mettraient peu à peu de la partie , comme si les témoins de la scène avaient leur avis à donner sur la question. J'ai supposé d'abord que de telles pratiques étaient installées dans le décor de ce vieux pub traditionnel pour faire couleur locale à peu de frais, mais étant donnée la récurrence de telles cérémonies (sans compter que les victuailles pour les fiançailles ou le mariage ou les anniversaires de quelque calibre qu'ils soient sont mises à la disposition des invités, voire des gens de passage, presque traditionnellement dans ce lieu de boissons devenu lieu d'agapes nourricières) je suppose que le fait est banal dans ce rendez-vous quotidien. En fait, aucun secret n'est possible dans cette population qui se regroupe comme celle d'un village. Londres n'est pas loin, bien sûr, la station de métro est toute proche, mais on ne s'y rend que pour les grandes occasions, peut-être même pas pour les achats de Noël : le marché est permanent sur la place du pub, fruits et légumes mais aussi vêtements au décrochez-moi-ça, qu'irait-on chercher ailleurs alors qu'on a tout sous la main, le bon marché (et les contrefaçons, "occasions à profiter") en plus?. On est loin ici de Westminster, de Buckingham Palace, de Marble Arch, et c'est passionnant à découvrir. Je suis sûre que mes minets aimeraient. A demain.
Lucette DESVIGNES.