8 décembre 2009
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SOIREE ENTRE FILLES
Chez nous on a
l’habitude d’enterrer la vie de garçon, même que parfois la célébration de cette fin de liberté s’effectue si généreusement que le marié n’est pas exactement dans la forme requise le lendemain.
Je n’ai jamais entendu parler d’enterrement de la vie de fille : c’est que selon la tradition la fille est censée être virginale et naïve, tandis que le garçon doit déjà mettre un terme à
une vie dissolue. On devrait bien, dès lors, instaurer une réplique pour fille de cette institution pour homme, car il y a belle lurette que les filles sont aussi dégourdies que les garçons. En
tout cas, dans mon soap favori, personne ne manquerait pour un empire à cette célébration de la veille du grand jour. La dernière de ces réjouissances était tristounette : la mariée épousait
un brave garçon qui ferait un bon père pour son rejeton à elle, mais soupirait en pensant à un grand amour perdu, et malgré les flots de gin chacune
mouillait sa larme à évoquer ses propres illusions d’antan. Celles d’hier avaient davantage de punch. Cela se passait naturellement dans ce fameux café où règne le buste de la reine Victoria à
son plus maussade, là où ont lieu querelles, justifications, accusations ou déclarations en tout genre. La mariée portait un diadème en carton argenté avec un bout de voile flottant par derrière,
une amie portait un serre-tête de peluche rouge avec deux petites cornes de taureau, la lesbienne s’attendrissait, celle qui tenait le micro était un travelo aux formes généreuses et aux bas
résille irrésistibles, bref tout baignait, sauf que l’ex de la mariée, un repris de justice en cavale, se profilait en menaçant de faire des révélations scandaleuses au beau milieu de la
cérémonie. Ah mes belins-belines, la journée va être longue pour attendre… Dites bien à vos minous que je leur raconterai la suite dès
demain.
Lucette DESVIGNES.
lucette desvignes
7 décembre 2009
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Je vous parlais de catalogues il n’y a pas si longtemps. Eh bien nous y revoilà, puisque l’approche de Noël doit faire résonner partout les
Jingle bell, Jingle bell des réjouissances, pas de crise, pas de SDF, pas de gens licenciés ou inquiets pour leur avenir, pas de gens crevant de faim un peu partout sur cette terre, tout baigne,
tout baigne (je sais bien qu’on commence à parler de jouets ou cadeaux de Noël d’occasion, c’est moins cher et c’est surtout l’emballage qui compte,
mais mais mais). Les catalogues sont là pour nous donner des idées, ainsi sur une seule et même page je vois qu’on peut couper le sapin en deux, pas le haut et le bas bien sûr mais fendu tout du
long comme une aubergine pour la mousaka (c’est sans doute plus compliqué, bon courage !), comme ça vous pouvez l’appuyer au mur, il est deux fois moins encombrant. J’y vois également qu’on
peut remplacer les boules colorées par des petits chats, avec ou sans bonnets (oh que c’est mignon ! comme je regrette de ne plus avoir l’âge des sapins de Noël… je me demande si mes minets
se laisseraient faire), ou par des fleurs de poinsettia, ou par de petits cadres-photo assortis pour que toute la famille puisse s’admirer, ou par des colombes phosphorescentes (il y a aussi des
petits anges phosphorescents, mais où est l’originalité, je vous le demande ?). L’originalité, moi je la trouve dans cette céramique « Nativité lumineuse »: non point dans sa
facilité à s’éclairer, mais bien dans la disposition des personnages, qui sont rangés par taille (Saint Joseph debout, la Vierge assise devant, le
petit Jésus sur ses genoux : au moins ça change, et le père charpentier retrouve enfin sa taille normale, lui qu’on voit toujours à genoux –
qu’on lui redonne un peu de dignité, que diable !). Cela me fait penser à une petite histoire de Noël qu’une amie m’a transmise l’an dernier en anglais ; je la traduis ici pour les
derniers de la classe : Joseph arrive la veille de Noël chez un aubergiste, Vite vite il me faut une chambre, ma femme va accoucher. Réponse de l’aubergiste : Et alors ? je n’y
suis pour rien ! Retour sur Joseph : Mais moi non plus ! En anglais, et surtout raconté par l’évêque Desmond Tutu en pleine église, ça
vous a un charme fou…Il y a aussi la cravate lumineuse qui entonne deux chants de Noël (piles non fournies), les deux litres de neige éternelle que vous pouvez faire à partir d’un sachet de 30gr
de poudre (est-ce de la coco, cette neige ?) , ou les 12 cuillères dégustation pour amuse-bouche, disposées en cercle autour du centre évidé d’un plat en inox que (je cite) « vous
pouvez rendre encore plus festif en y plaçant une bougie allumée» : imaginez si le service doit être commode – mais vous relevez de l’identité nationale qui est la nôtre, vous êtes
français, vous votez français, alors trouvez des idées, on en a et ça ne consomme pas de pétrole. A demain, essayez les petits bonnets de père Noël sur vos mirons, tenez-moi bien au courant du résultat de la séance d’essayage.
Lucette
DESVIGNES.
lucette desvignes
5 décembre 2009
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(Oui, mes belins-belines, on saute à pieds joints par-dessus mon correctif d'hier qui a suivi l'article exhibant une horreur d'orthographe,
mais non sans que je vous fasse remarquer ici que cet ajout ne compte pas dans le total de mes prestations, ce n'est que justice et bons comptes bons amis). Le fait de reprendre des personnages
certes un peu oubliés, mais tout de même transportant leur aura personnelle avec soi - naïveté ou rouerie, légèreté de cuisse ou pudibonderie, talent bien caché pour l'intrigue
souterraine et le scandale - permet au téléspectateur d'entrer sans délai dans l'atmosphère de l' Est londonien quand cet agneau perdu (ou brebis galeuse quelque temps ) réapparaît, et à
chaque fois il est cause d'une complication supplémentaire, si bien que la connaissance de ses arrière-plans est précieuse pour qu'on ne s'embrouille pas trop. On peut quand même s'embrouiller :
par exemple quand le premier époux de la tenancière du pub, qui était le demi-frère de père de son second, resurgit - au milieu de toutes ces demi-soeurs blondes pulpeuses et habillées à
la dernière mode londonienne (c'est parfois étonnant), on peut se demander qui est la fille qui est la nièce, d'autant qu'il préfère de toute évidence la progéniture de son demi-frère à sa
progéniture propre. Et je ne voudrais pas vous traumatiser en ajoutant que dans l'intervalle - car il s'est écoulé dans le déroulement de la série une bonne dizaine d'années d'horloge, si l'on peut
dire - l'acteur d'antan a été remplacé par un autre, mais certes il faut un moment avant de rassembler ses esprits et sa lucidité et le remettre dans sa peau. On nous a récemment fait le coup
avec l'une de ces pulpeuses blondes précisément, j'ai pas mal nagé je l'avoue, mais c'est parce que je tiens à tout mettre bout à bout, tandis que les télistes d'outre-Manche ne se
cassent pas trop la nénette et ne se posent pas de questions : ils ne sont pas plus cartésiens que les scénaristes des Eastenders, lesquels en outre ne sont certainement pas non plus ceux
d'origine. Le plus curieux est cependant qu'on ait encore en pleine vaillance des protagonistes qui étaient déjà loin d'être jeunes quand la série a démarré... On a vu leurs rides s'affirmer, leurs
yeux se creuser, leur allure s'alourdir ou se squelettiser, mais ils sont toujours là, disponibles de la cuisse ou plus rarement du portefeuille, prompts au commentaire acide ou au petit coup de
plumet entre copines sur le soir, quand le coup de rouge partagé par les dames commence à faire son effet. Qui a dit que le thé était la boisson des Anglaises? Bon, on va laisser là
les buveuses fonctionnant au merlot plutôt qu'au Darjeeling ou au Lapsang souchong - au travail lundi matin, tâchez d'être frais et dispos tous tant que vous êtes pour mieux savourer mes
propositions. Bonne fin de semaine, du moins ce qu'il en reste. Bises aux minous.
Lucette DESVIGNES.
lucette desvignes
4 décembre 2009
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Veuillez bien lire je vous prie dans le billet précédent qu'embrouillent doit être remplacé par embrouilles. Je reviens
d'un déjeuner où la conversation a un grand moment porté sur l'orthographe, vous imaginez mes blêmissements quand je rouvre mon ordi et que je trouve ça à l'avant-dernière ligne. C'était avant le
déjeuner que j'avais commis l'horreur, et c'est après que je me retrouve lucide! N'accusez donc pas les boissons, et gardez-vous de confondre un pluriel de verbe avec un pluriel de nom.
Désolée d'avoir pris encore sur votre temps, mais je n'aurais pas dormi cette nuit Me voilà soulagée. (Dans "Un monsieur qui a brûlé une dame", Labiche fait dire à un mari cocufié ouvertement
par sa femme et son amant - qui se parlent en termes végétaux, comme par exemple "Il a gelé blanc sur les épinards" pour signifier qu'on est fâché ou " Les haricots verts se portent fort
bien" pour dire "Je vous aime" au nez du mari - "Qu'ils sont bêtes avec leurs légumes!" Vous avez parfaitement le droit de dire, à ma barbe, "Qu'elle est bête avec son orthographe"! Mais que
voulez-vous! Comme notre capitaine en pleine tempête, je garde le cap!
Lucette DESVIGNES.
lucette desvignes
4 décembre 2009
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Vous le savez déjà (oui! je me répète..; mais c'est le charme du direct, que voulez-vous!), je
m'intéresse passionnément aux structures de tout ce qui se présente à mes yeux comme spectacle. Ces fameuses séries qui sont devenues la marque de notre civilisation des loisirs, qu'elles soient
d'outre-Atlantique, d'outre-Manche ou bien de chez nous, sont toutes plus ou moins construites sur un patron unique. Les personnages basiques, comme on dit si savammant aujourd'hui, ont des heurs
et malheurs dont on ne nous cache rien, cela se tisse et se dévide au fur et à mesure des épisodes, tandis que pour chacun précisément un cas spécial nous est soumis, celui d' étrangers au cartel
fondateur, chargés l'espace d'un chapitre de nous intéresser à leur sort et que les basiques amènent à une solution, soit médicale, soit juridique, selon leurs compétences. Autrement dit, il y a
enchevêtrement (pas toujours réussi) d'un fil continu et permanent et de brins annexes dont on perd le souvenir d'une semaine à l'autre. Je dois avouer que contrairement à ce schéma aussi rigoureux
que facile (qui rappelle les structures de Mannix : les 20 premières minutes exposent le problème, les 20 suivantes montrent les efforts de Mannix pour résoudre le problème et ses résultats
malheureux - c'est lui qu'on castagne, et dur - enfin les 20 dernières exhibent le triomphe du héros invincible, triomphe physique, moral, mental, intellectuel et tout et tout - et sentimental
donc, que j'oubliais!) - oui, contrairement à cette routine inoffensive à laquelle personne ne prête même plus attention, mes soaps préférés, à savoir cet Eastenders increvable (dont en effet
on ne peut par sa nature même imaginer la fin) semblent étirer les formules dans la direction d'une bienheureuse liberté. Je veux dire par là que les basiques sont astucieusement si nombreux au
départ qu'on peut les laisser là pendant une dizaine d'épisodes avant de les faire resurgir au premier plan. Leur absence signifiait vacances (toujours en Espagne : pour des Britanniques ça va de
soi, expliquez-moi pourquoi? est-ce parce que le champ' qu'ils boivent vient toujours de Madrid ou de Pampelune?), prison (oui, ils y passent pas mal de temps les uns ou les autres), longue
maladie, bref ils resurgissent, on est tout content de les revoir, les méchants comme les bons, ils ont soit de nouveaux problèmes relationnels soit ils traînent derrière eux des casseroles
indestructibles, on va abandonner les autres pour quelque temps, sauf s'il y a embrouillent avec eux , précisément. On verra ça en détail dès demain.
Lucette DESVIGNES.
lucette desvignes
3 décembre 2009
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Naturellement, si on évoque l'histoire du roman historique (surtout par rapport à l'Egypte, dont les
pharaons ont toujours fasciné les lecteurs de tout poil) il faut faire intervenir Théophile Gautier, même sans fatalement faire référence à ses pantalons rose crevette : il a en effet plongé
le monde des lecteurs dans un univers inconnu jusqu'alors, à grand renfort de mots savants, de termes techniques pour l'époque, autrement dit par tout un ensemble de documentation "d'origine" qui
risquait de noyer tout le monde. Je sais bien que je ne suis pas tout le monde, mais à ma première lecture je n'avais rien compris à l'histoire, j'étais restée engluée dans les difficultés du
vocabulaire. D'où, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la difficulté pour l'écrivain d'insérer intelligemment sa docu dans le texte du récit : je n'incrimine pas le brave Théo, à l'aube de cette
fabrication d'un genre encore inédit, mais j'en tire une leçon que les auteurs de romans historiques devraient bien méditer. D'ailleurs, vous n'avez qu'à regarder la panoplie des "docu fictions"
qui s'élabore aujourd'hui : même pour le documentaire télé, qui en principe s'adresse à des gens sérieux, qui ont le temps, qui veulent se meubler l'esprit agréablement sans les commentaires
ignares et racoleurs des divers amuseurs-questionneurs remplissant nos étranges lucarnes, il a été jugé de plus en plus nécessaire de faire intervenir l'imagination, sous forme de recréations
d'individus (en peplum, le crâne rasé, en toge etc. comme on se le donne pour certain dès qu'il est question de Romains, de Grecs et autres Perses). On voit donc par moments ces
illustrations humaines godiches, fausses à hurler, qui sont censées mettre l'Histoire à notre portée - au détriment du fait historique lui-même qui mériterait une étude approfondie, trop
sérieuse toutefois pour être très goûtée. C'est la fameuse approche du "deux en un" - document + fantaisie - qui a envahi le domaine de la créativité artistique et littéraire. C'est
inoffensif, bon à être regardé en famille quand on confie les mômes à la grand-mère qui n'en peut mais, facile à oublier (thème aussi bien qu'époque ou lieu) - c'est déplorable mais c'est la mode.
L'Histoire étant ce dont sont pétris les hommes et les femmes d'une époque, avec sa prospérité ou ses aléas, avec ses conquêtes ou ses invasions sanglantes, il convient de les mêler
intimement au déroulement des faits, mais précisément tout est là - l'art et la manière, mes belins-belines... Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton! Bises à vos minets, gardez-les bien au
chaud, qu'ils n'aillent pas attraper la grippe! A demain!
Lucette DESVIGNES.
lucette desvignes
2 décembre 2009
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L'histoire, l'histoire... Bien sûr qu'elle est nécessaire pour faire un bon roman (je parle ici du récit, de l'intrigue qui convulse les
personnages principaux dans leurs amours, leurs haines, leurs angoisses, leurs mensonges ou leurs faiblesses), mais il n'est absolument pas nécessaire de convoquer l'Histoire relevant du domaine de
cette brave Clio (pour ceux qui ne suivraient pas bien, là-bas dans le fond de la salle, je précise qu'il s'agit de la muse et non pas de la petite Renault pourtant si brave), surtout si c'est pour
la servir en tranches juxtaposées (je connais un auteur qui racontait l'histoire de pauvres paysans de sa région, lesquels s'étaient expatriés aux Amériques et y avaient prospéré grâce à la culture
de la vanille; lorsqu'un éditeur lui avait suggéré de fournir davantage de documentation sur ladite culture, il avait copié un chapitre d'un de ces traités pseudo-scientifiques comme on en
éditait au début du siècle dernier, il l'avait tout tranquillement inséré entre deux chapitres, passez muscade, ç'avait sinon déclenché le gros lot, du moins réussi à lui gagner l'édition, de quoi
me - presque... - faire regretter de ne pas avoir choisi le même sujet et le même éditeur). J'espère que vous avez bien compris que si je ne convoque pas automatiquement
l'Histoire pour la confection d'un roman c'est bien parce que je la vénère et non parce que je l'abomine. Et puis c'est une question du traitement qu'on adopte : pourquoi bâillé-je (mais oui!
bâillé-je) devant tout roman historique sur l'Egypte, que ce soit au temps d'Hatchepsout ou d'Akhenaton, de Toutmosis quel que soit son numéro ou de Ramsès ou de Cléopâtre (et vous imaginez
bien que selon les divers pharaons les moeurs devaient se diversifier, elles ne pouvaient point demeurer figées pendant trois millénaires, mais qui donc nous fait toucher du doigt ces
différences, subtiles ou moins subtiles, hein, qui donc, dites-moi?), alors que "La Dame du Nil" de Pauline Guedj (et c'est un vieux machin pourtant) apparaît comme le modèle du roman concocté
sur l'Histoire de ce pays. Question de traitement, je le répète - autrement dit, d'utilisation intelligente de l'Histoire dans une affaire d'humains. Pour qu'un oreiller soit
confortable, il ne s'agit pas de le bourrer de kapok ou de toute autre substance hygiénique et lavable : il faut que le bourrage soit fait intelligemment, qu'il se fasse invisible mais présent,
qu'il se fasse oublier en étant toujours un peu là. Tout pareil le roman historique, comme on dirait à la campagne (si à la campagne on parlait du roman historique). Autrement dit, à juger sur
pièce, avec fermeté voire circonspection : il y a des noms d'auteurs à écarter d'autorité. Je ne vous dirai pas lesquels bien entendu, mais de vous informer qu'il y en a cela devrait suffire à vous
mettre la puce à l'oreille. J'espère que vos minets n'en ont pas, sinon il faut intervenir vigoureusement : vous les plongez dans un bain bouillant, quand la température tiédit un peu, les puces
sont mortes. A demain!
Lucette DESVIGNES.
lucette desvignes
1 décembre 2009
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Toujours ce même panache quand les titres se calquent sur les titres latins - pourquoi ne dirait-on
point régulièrement même de nos jours "Du diabète et de ses régimes", ou "De l'abus du tabac" comme on disait encore au XIXème "De l'assassinat considéré comme un des beaux arts"? Avouez que cela
fait mieux que de simplement énoncer "Romans historiques" - c'est pourtant d'eux que j'aurais envie de vous parler aujourd'hui, impressionnée d'avoir vu dans une librairie une table entière
couverte d'une bonne centaine de bouquins regroupés sous la même étiquette. Je vous ai déjà exposé mon analyse de ce fait de société, à savoir cette vogue des romans historiques chez les lecteurs
comme chez les auteurs : la combinaison de la forme romanesque (qui plaît à l'imagination) et de la documentation sur l'époque (qui tente de combler les lacunes des connaissances) contient une
force imparable au niveau du public, large, voire super large XL, de préférence. Ce que nul lecteur n'aurait envie d'apprendre à partir d'un compendium aussi exact et détaillé que possible
sur la période visée (cela lui demanderait trop d'effort, il a passé l'âge des leçons, non mais des fois!), il est tout prêt à l'ingurgiter si on lui raconte une histoire, ainsi espère-t-il faire
du "deux en un" (voir sujet déjà traité plus haut), c'est-à-dire apprendre en s'amusant, s'instruire sans fatigue, et même en se délassant. Pour pratiquer les coulisses de l'écriture, autrement dit
la cuisine des traiteurs, j'avoue que c'est là un rêve illusoire : je doute fort qu'une lectrice d'un roman sur 'lEgypte ancienne retienne grand-chose de son contact de 2 ou 300 pages avec la
civilisation des Pharaons, à quelque dynastie qu'on les empoigne. Et je m'amuse du succès - patent, tonitruant, reconnu, écrasant - d'un roman consacré il y a deux décennies : si patent qu'au salon
du Livre de Paris on ne pouvait même pas aller aux toilettes sans tomber sur des crinolines et des ombrelles! La recette du livre était si patente elle aussi qu'on s'étonnait qu'elle ne décourageât
personne : a) - tous les chapitres impairs consacrés à l'histoire-récit, tiraillée en accordéon par-dessus le "sérieux"; b) - tous les chapitres pairs consacrés à l'instruction du bon public : le
coton et sa culture, le Mississippi et ses crues, l'esclavage aux Amériques etc. Avec un peu d'astuce, si vraiment vous étiez tellement pris par l'histoire que vous désiriez laisser là,
carrément, votre programme éducatif, vous pouviez hardiment sauter les chapitres impairs, personne n'y perdait rien, votre désir d'amélioration culturelle se dégonflait, votre jouissance littéraire
restait ce qu'elle s'annonçait au départ, guère exigeante... A mon humble avis, il faut autre chose pour concocter du roman historique qui tienne la route, hélas! hélas! hélas! (On disait ça pour
les deux dernières pièces, exécrables, de Corneille: "Après Agésilas, hélas! Mais après Attila, Holà!" Et Corneille s'était tu... Hélas! le découragement imparable d'il y a deux décennies n'a
touché personne, on continue à en redemander, et ça pullule, ça pullule. A demain, hors l'Histoire point de salut, Sauve qui peut!
lucette desvignes
30 novembre 2009
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Ah! mes belins-belines, il me souvient d'un maître d'école qui, dans le groupe de mon père,
faisait entonner à ses élèves dès le 1er octobre (de mon temps c'était là le démarrage de l'année scolaire : la rentrée était fixée une fois pour toutes, on ne vous demandait pas votre avis
selon les zones urbaines ou régionales) et fort gaillardement : " Après l'hiver morose, Vive la rose! Je vois venir Colas, on va rire aux éclats! Je vois venir Colas, vivent la rose et le lilas!".
Peut-être que dans sa classe on démarrait le même jour sur une dictée qui, une fois corrigée espérons-le, allait se pérenniser dans la mémoire par le biais de la récitation - peut-être que c'était
"Septembre, septembre! Cueilleur de fruits, teilleur de chanvre..." (voir plus haut, texte et notes sur le texte) mieux en rapport avec l'automne et teintée de nostalgie. Pourtant j'aimais à penser
qu'il y avait chez ce pauvre homme (oui, c'était un individu assez bizarre, on ne peut rigureusement pas dire que ses élèves ne perdaient pas leur temps dans sa classe) une volonté d'optimisme qui
méritait l'attention. Eh quoi! Au moment d'entrer dans la saison des brouillards, des frimas, des froidures tristounettes, on célébrait déjà le printemps, les roses, les lilas! on enterrait déjà
l'hiver! Mais cette volonté de croire en des jours meilleurs ("C'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière", m'écrivaient pieusement dans mon carnet d'autographes les copines bien
intentionnées, à dessein, dans l'espoir que quelque semence issue de leur pédagogie finirait bien un jour par germer dans le terrain non débroussaillé qu'était mon âme) oui, cette volonté
me paraissait touchante, un peu naïve mais de bon aloi. Si je faisais le tour des classes de mon père niveau chanson, aurais-je donc dû préférer "Au bois voisin y a des violettes" ? (mais là
aussi on sautait allègrement par-dessus l'hiver), ou bien "Le colibri / est sans abri. / Le coucou a pris son nid/ Pauvre petit! Pauvre petit!" - qui nous plongeait d'entrée dans la désolation de
l'injustice sociale. Ou encore cette sonnerie de chasse qui se terminait par "...Du vin remplit ma gourde, Du pain gonfle mon sac, J'ai ma pipe et mon tabac"... (outre que les assonances sont
douteuses dans cette poésie éthérée et délicate, avec du vin et du tabac le pauvre type qui chanterait ça sous les fenêtres du Ministère de la Santé, se ferait ramasser pas tard. Je ramasse pour ma
part les débris de ma cervelle ("L'Homme à la cervelle d'or"... connaissez?). Daudet, on devrait bien en parler un peu de celui-là, et de Paul Arène, du même coup. Comptez sur moi. A
demain.
lucette desvignes
28 novembre 2009
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Comme vous le subodorez déjà d'après le titre, mes belins-belines, l'entretien de ce soir va tourner
court. Non que ce soit tellement tard : déjà souvent moi, sans doute souvent vous, nous dépassons la ligne jaune qui serait la meilleure pour notre santé.Aucune infraction routière
concrétisée par un PV et une amende (je passe sur les autres dégâts collatéraux), mais l'effet nocif n'en sera pas moins patent quand nous aurons les uns et les autres perdu le sommeil. C'est
plutôt que je me sens tout juste une mentalité de figurante ce soir, plutôt présente sur scène mais point trop inspirée. Et pardonnez-moi si je vous raconte cette histoire
une nouvelle fois, on ne parlera jamais assez de Jouvet, n'est-ce pas? Surtout à ses débuts, lorsqu'il gagnait péniblement son cachet quotidien en allant sur scène grossir les rangs
d'un bataillon de soldats romains qui devaient en fond de tableau marcher lourdement avec leur harnachement de cuirasse et de bouclier. Ils devaient aussi, en choeur, marmonner un bout de
texte du genre "Nous sommes les soldats romains qui revenons de guerre" (ici j'invente manifestement, mais le texte d'origine, que j'ai connu autrefois quand on m'a raconté l'histoire, n'avait rien
de plus génial). Et JOuvet disait tous les soirs "Personne s'ennuie ici autant que moi, à faire l'andouille soir après soir" (et je vous précise qu'il ne disait point "s'ennuie" ni "l'andouille",
mais j'ai tellement peur de 'lAdministration, pour une fois que mon engin a l'air plein de bonne volonté il est inutile que je lui cause des embrouilles administratives, on me couperait encore
l'accès au Web). Et un soir que, s'étant donné le mot, tous les autres Romains n'ont rien dit, notre Jouvet a entonné son petit refrain personnel en solo... J'aurais voulu être là. Dormez bien, mes
belins-belines, demain on fait relâche! Sleep tight, Sweet dreams, Good Night!
Lucette DESVIGNES.
lucette desvignes