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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 22:51
     Aujourd'hui, c'est Vigny qui s'impose à moi, avec d'éventuelles altérations que je prends sur moi : "Accomplis chaque jour ta longue et morne tâche/ (...) Puis après comme moi souffre et meurs sans parler". Naturellement je n'ai pas plus envie de mourir que vous. Mais "la longue et morne tâche" me plaît pour ce matin, le Topset d'hier si efficacement absorbé par la mémé footballeuse ne m'ayant pas aujourd'hui procuré l'ombre de sa vigueur. Mes chats sont moroses de leur côté, fourrure trempée  dès la première sortie, pattes apposant leurs petites fleurs sur le moindre papier s'offrant à leur signature, mal disposés qu'ils sont à accepter que je les accueille à grands cris de repoussoir au lieu de les prendre dans mes bras. Deux d'entre eux pourtant, reconnaissant le traditionnel "'Mais ils sont tout mouiillés, ces petits!" se juchent sur deux chaises de cuisine pour attendre, l'un avec résignation l'autre avec délectation, les attouchements vigoureux de la serviette éponge. Il n'y aura plus qu'à recommencer lors du second retour après la seconde sortie au jardin, et ainsi de suite jusqu'à l'extinction des feux. Vous me direz que je suis une bonne âme de me laisser faire de la sorte, et que vous, à ma place... Voui ma bonne dame, mais précisément (et heureusement pour ma tapée de minous) vous n'êtes pas à ma place... Restez bien à la vôtre, ce n'est pas moi qui irai vous chercher.
     J'ai eu l'un des plus grands étonnements de ma carrière en allant à Lyon. Certes la vision des messieurs et dames travaillant de l'ordinateur pendant le voyage en train n'avait rien d'inédit pour moi, mais il s'agissait d'un petit gamin (pas plus de neuf ans, j'en jurerais) qui à peine arrivé à côté de moi installe son ordi de poche sur la table, ouvre sa mallette de DVD, choisit son programme, met son casque. Pas un mot : est-il sourd-muet? Que non pas, puisqu'il suit les dialogues (j'ai d'abord vu , du coin de l'oeil, un ou deux pingouins qui se racontaient des histoires, puis une montgolfière et des avions en flammes, il a dû y avoir un changement de thème dans l'intervalle - je n'ai tout de même pas gardé les yeux rivés sur son écran). Dans une voiture silence, c 'est pain bénit, un passe-temps de ce genre. Je ne peux quand même pas m'empêcher de penser qu'avec entre les mains un livre qui lui raconterait les mêmes histoires le gamin ne ferait guère de bruit non plus. Bon dimanche, relâche demain!

                                                                     Lucette DESVIGNES.
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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 11:27
Je ne peux pas entendre ce mot ni l'évoquer sans voir la grand'mère genre Tartine Mariol donner un coup de pied dans un ballon de foot à faire pâlir Platini ni lire sur l'écran "Ma parole,  elle a mangé du Topset!". Naturellement, sic transit  gloria mundi : le Topset, Tartine Mariol, Platini même peut-être, est-ce que notre civilisation oublieuse se rappelle encore ces saillies immortelles de notre connaissance qui sont censées hérisser de leurs aspérités la platitude de nos existences individuelles? (Remarquez au passage que mon Topset à moi, pour intellectuels comme le fromage de tête, fonctionne dès les petites heures de la matinée, et même fonctionne à plein). Le tonus, c'est ce dont chacun de nous a besoin pour entamer sa journée. Gingseng, aloé vera, huile d'argan, propolis, harpagophytum, gelée royale, ou tout aussi bien le grand saladier de pissenlits au lard que mon arrière-grand'mère nivernaise s'enfilait comme petit déjeuner, peu importe : l'essentiel est que chacun ait trouvé sa denrée, dès lors tout va pour lui comme sur des roulettes (clin d'oeil de ma mémoire cinéclubiste au passage : Harold Loyd et son totem, celui qui lui donne le pouvoir de se faire écouter de manière inédite, qu'il perd, qu'il remplace par un bec de cane ôté à son parapluie parce qu'il a une délaration d'amour à faire et qu'il a besoin d'un talisman au creux de sa main - l'essentiel est d'y croire, je le répète, par-delà tous les apports de vitamines, oligoéléments ou autres omégas 3). Vous avez sans doute remarqué l'abondance de mots destinés à décrire le tonus : avoir la pêche, avoir bouffé du lion, avoir  la forme - ne me disait-on pas hier soir que j'étais sémillante, alors que je ne m'étais même pas redonné un coup de peigne depuis le déjeuner? (Ne croyez pas, mauvais esprits, à la visite nocturne de quelque amant : c'était tout simplement mon spécialiste en informatique qui me rapportait, dûment réparés, les fils du téléphone dont les ruptures, paraît-il, ne pouvaient avoir été causées que par des dents de chatons, le côté sémillant de mon apparence ne pouvant, lui, avoir été causé que par mon feuilleton télé britannique interrompu en plein suspens époulaillant, comme on dit chez moi). Je vous l'avais déjà dit combien  de fois, que mon soap d'Albert Square c'étaient mes vitamines à moi . J'ai déjà incité mes minous à venir prendre des forces à côté de moi, mais la proximité leur suffit :  ils dorment profondément devant l'écran, même quand les accents locaux deviennent pathétiques. Que voilà une éducation pratiquement loupée... mea culpa!

                                                                                                    Lucette DESVIGNES.
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4 février 2010 4 04 /02 /février /2010 14:28

Rien qu’à les voir…

 

            Oui, un seul coup d’œil suffit : on a le cœur serré, on ne peut que s’arrêter de faire ce qu’on faisait (toute besogne cessante : voilà un bel exemple d’ablatif absolu auquel on ne pensait guère au lycée), on ne peut que les prendre en pitié, et avec élan. Le couple, cinquante–soixante à peu près, exsangue, maladif, blafard (sur mon écran de télé ils sont même livides, blanc vert, donc évocateur de chairs malsaines), l’air  accablé de ce qu’ils viennent de traverser, mais tout de même appuyés l’un à l’autre pour se soutenir, pour réussir à se tenir droits. « Arrêtons ! » disent-ils douloureusement , et lentement ils se tournent l’un vers l’autre, ils se font un pauvre petit sourire mourant mais si plein d’amour,  le cœur vous en remonte à la gorge, « C’est que cela faisait si longtemps ! » ajoute l’un d’eux, d’une si pauvre voix qu’on ne sait pas vraiment lequel a murmuré cette pénible confession. «  Mais, ajoute la dame ( un couple bourgeois de toute évidence, bien classique, bien relingé comme dirait mon père, avec des manières dominées d’où s’exhale toute un bonne éducation , fondée sur de saines valeurs, probablement celles de l’identité nationale) – mais, ajoute-t-elle, à deux c’était plus facile ». Qu’est-ce que vous croyez qu’ils se sont décidés à faire, ces deux-là ? Accepter un traitement drastique ? Accepter d’aller chercher leurs provisions aux Restos du cœur ? Accepter de faire de la gymnastique corrective une heure tous les matins ? Si vous avez parié vous avez perdu ! Ils vous le font lire sur un grand panneau , ce qui’ils ont eu tant de mal à faire: ils ont arrêté de banquer, ils vont désormais se débrouiller tout seuls, ils seront moins vidés de leurs forces vives. Ils vont, comme on le démontre sur une autre pub, devenir leur propre banquier, que des bénéfices et rien d’autre à débourser. La gorge se desserre, on se sent même tout bébête d’avoir mis le cœur à la poche. Mes chats prennent des airs sarcastiques, ce n’est pas eux qui se seraient fait attraper de la sorte…

 

                                                                                              Lucette DESVIGNES.

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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 10:44
    

Vis dramatica à l’anglaise

 

 

            Vous vous demandez peut-être ce qu’est devenu l’intérêt dramatique (la vis dramatica de nos adolescences studieuses) à propos de mon soap britannique préféré (je n’ose pas dire anglais étant donné le nombre d’ethnies qui participent à la population de ce quartier fascinant de l’East End : c’est bien un « pur » produit BBC mais cependant le générique énumère tant de noms indiens, pakistanais, jamaïcains etc. à tout niveau de production ou de fabrication qu’on doit à la prudence de revêtir le tout de l’étiquette « britannique »). En effet le suspense règne toujours dans la série quant à l’identité du coupable, càd le meurtier ou la meurtrière du vilain bonhomme assassiné dans la salle du pub dont il venait d’expulser les occupants de plusieurs décennies. On nous avait en quelque sorte prévenus : il avait été dit et répété qu’une enquête de ce genre se révélait longue et difficile, qu’en six mois on n’en viendrait certainement pas encore à bout., et de temps à autre, finement, l’un ou l’autre des personnages le répétait pour calmer les impatiences du quartier. Donc on attend. Et, finement aussi de la part du scénariste, il ne se passe pas de semaine sans que l’index de la culpabilité soit brandi sans en avoir l’air dans une direction ou dans une autre. Non seulement la fille en liberté sous caution a accusé la mère qui avait laissé entendre que l’une des autres filles était peut-être coupable, mais encore le cousin Billy officiellement innocenté parce qu’un tantinet innocent au niveau cerveau apparaît soudain comme l’exécuteur testamentaire, ce qui fait plus qu’étonner, tandis que le  mari de la femme violée par le vilain bonhomme avant son passage ad patres avoue qu’il a fait plus que simplement donner une raclée au sinistre individu. Mais l’homme d’affaires floué a aussi à son débit  que son fils aîné est le rejeton du même vilain bonhomme - alors ? Et l’ancienne deuxième femme dudit bonhomme refait surface après vingt ans d’absence, et fait mine de s’installer de nouveau dans les appartements au-dessus du pub où en fait ça commence à faire beaucoup de monde – alors ? Et le fils du bonhomme qui a dû changer sa chemise du soir de Noël pleine de sang, et se trouver un alibi croquignolet chez la grande lesbienne du coin – alors, alors ?  Cela vous paraît sans doute un peu obscur tout ça, mais n’ayez crainte : je vous tiendrai dûment au courant, et nous en tirerons gravement les conclusions esthétiques ou morales qui s’imposeront. Un peu de patience, je vous dis !

 

                                                                                             Lucette DESVIGNES.

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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 10:30
     J'ai horreur de donner de fausses informations. Je n'ai pas en effet, moi, à défendre un mur de la honte (pas celui qui a été démoli, mais bien celui qui non seulement continue à se construire malgré tout ce qu'on peut dire penser protester réclamer etc. mais qui au contraire se fait renforcer au niveau des tunnels meurtriers par des entreprises de voisins pareillement intéressés par les déblaiements ethniques). Je n'ai donc pas à entraîner des jeunes spécialistes de l'information à déformer ladite selon des procédés enseignés en chaîne, choix des sujets, des points de mire, du vocabulaire. C'est sans doute pour cela que j'ai une telle horreur (application des leçons récentes : non pas j'ai tant horreur, mais j'ai une telle horreur -  un adverbe ne modifie jamais un nom, voir exemples supra) d'annoncer des choses fausses, et je vous prie de bien vouloir considérer que si la fantaisie de mon inspiration passe souvent avant l'annonce que je vous avais faite de mes thèmes ou sujets d'entretiens, cela n'a aucun rapport avec l'énonciation pure et simple de la vérité. Donc j'ai horreur de donner de fausses informations. C'est pourquoi je m'en vais tout de go entamer notre propos du jour par un correctif solennel. Hier je vous ai donné quelque aperçu de mes priorités avant ce que je considère comme mon devoir, autrement dit mon "address" comme on dirait Outre-Manche, à vous destiné(e), mes belins-belines. Eh bien j'avais tort, grandement tort. Ce n'était pas délibéré, certes, mais l'omission s'est faite sans que j'y prisse garde (prisse, oui) et je m'en suis trouvée fort marrie. Je corrige donc : tout de suite après le repas des fauves et avant même le tri de mon courrier sur écran, je consulte le blog d'Eric Chevillard, histoire de me donner du tonus au moment d'aller au charbon. Ainsi ce matin j'apprends qu'il barbouille déjà des dessins d'enfant au nom de sa fille Agathe (trois ans à peine) qu'il met précisueusement de côté pour son dossier de candidature aux grandes écoles, afin manifestement de prouver la précocité de son génie. Que voilà une belle leçon de prudence paternelle que tout un chacun aurait bien intérêt à méditer. A demain.


                                                                                                Lucette DESVIGNES.
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1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 11:26
     Mais bien sûr que oui, mes belins-belines! Si fort que je vous sois attachée, si chaude que soit la place que je vous réserve en mon coeur, vous auriez tort de vous imaginer que dès l'oeil ouvert et la comprenette un peu éclaircie je ne pense qu'à vous. Mille regrets si je déçois certains d'entre vous par cette déclaration qu'ils vont peut-être trouver cynique : elle a comme d'habitude chez moi le mérite de la franchise. A peine mes pantoufles enfilées, à peine le café en train, le ravitaillement des fauves commence. Peut-être bien qu'ils me mordraient, en s'y mettant à eux tous, si je ne tenais pas compte de leur ventre vide...Mais précisément j'en tiens compte! Il y a le choix de nourritures, et croyez moi celles-ci n'ont rien de spirituel : croquettes sèches, pâtée, bouchées mijotées, sachets tout préparés, il faut de tout pour faire un monde et surtout pour satisfaire tout mon monde. Aller au charbon est pour cette tâche-là une nécessité à laquelle je ne peux ni bien entendu ne veux me dérober. Et ça prend du temps, je vous l'assure, car il faut veiller au grain, surveiller les goulus, aller supplier les minettes qui font le héron de la fable, voire les aider à protéger leur ration des incursions des plus rapides. C'est seulement après ces rassasiements collectifs que je peux passer à autre chose. Mais une fois de plus, mes belins-belines, pas encore tout de suite à vous. Vous, je sais que vous avez à faire de votre côté (ne venez pas me dire que vous êtes suspendus à mes propos de telle manière que vous êtes prêts à défaillir si je vous fais attendre trop longtemps; j'aurais trop de mal à vous croire) . Il y a d'abord à faire le tour du courrier reçu, tri époussetage suppressions multiples, tout de même une infime parcelle à conserver : et s'il y a des réponses à donner d'urgence cela passe avant vous, mes belins-belines, des gens qui s'adressent à moi à visage découvert et avec leur nom vous pensez si c'est sacré (vous n'avez qu'à en faire autant et vous verrez bien). Et puis ma gymnastique pratiquement quotidienne : écrire aux têtes pensantes qui nous gouvernent ce que je pense d'elles. Je sais leurs adresses par coeur, celles pour la poste, celles par courriel, le nom de leurs sécrétaires, mais je suis sûre que maintenant ils me connaissent aussi, vu la fréquence de mes envois - toujours très corrects naturellement, sans faute de français ni d'orthographe, mais disant bien ce que parler veut dire. C'est seulement après que je m'occupe de vous, mes belins, mes belines, mais sachez que je vous garde pour la bonne bouche. C'est pas quelque chose, ça?

                                                                                                          Lucette DESVIGNES;
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30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 21:16

365

Titre sibyllin s'il en est : ne craignez rien, je vais vous l'expliquer illico. Laissez-moi tout d'abord vous préciser que, de retour auprès de mes lares après une grande journée culturelle où j'avais dicté à une nombreuse assemblée, à Beaune, un texte de ma confection tout bourré de petites difficultés par-ci par-là (et aussi tout partout ailleurs, pour faire bonne mesure) je n'ai rien retrouvé du texte intitulé 365 que j'avais écrit ce matin avant départ. Quand je parle autour de moi des disparitions mystérieuses qui se produisent sur mon écran d'ordi, c'est un peu comme si je parlais d'ovni : on m'écoute avec un sourire poli, mais comme si des disparitions de ce genre ça n'arrivait jamais aux autres. Je n'essaie même plus d'expliquer, ce que j'ai fait, ce que je n'ai pas fait, ce qu'on m'a fait pendant mon absence, ce qui s'est fait tout seul...Pas la peine : personne ne me croit, et mon image de marque en prend une cabosse de plus à chaque fois. Donc je résume, sans rien expliquer : j'avais écrit le texte, je pensais vous l'envoyer ce soir, à mon retour je ne le trouve plus. Heureusement le titre est resté, ce qui me permet de vous dire au moins ce qu'il signifie. 365, c'est le nombre que j'ai vu hier s'inscrire sur le compteur de mes prestations à vous destinées, mes belins, mes belines, et ça fait pas loin d'un an, si je compte bien. Evidemment, depuis que je me la joue chômée le dimanche, les comptes de jours ne sont plus aussi ronds, mais vous voyez bien qu'on avance quand même. 365, eh bien dites donc, tout de même...365 pages pondues comme ça, y a de quoi rester baba, non? Et, plus frappant encore, 365 fois que vous me lisez - je veux dire, prudemment, que l'acte de lecture de ma prose s'est accompli au moins 365 fois par vos soins invisibles, tout le reste en plus c'est du boni : même si je m'arrête pleine d'effroi en face du calcul à faire, car en vérité je ne saurais par quel bout le prendre, je me sens fière de moi. J'aurais réussi une tournée de crêpes que je ne me sentirais pas aussi guillerette. Bon dimanche,  à lundi, bises aux chats.

                                                                                                     Lucette DESVIGNES.
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29 janvier 2010 5 29 /01 /janvier /2010 10:53

            Une petite variation comme, en musique, à partir d’un thème donné. Quand j’ai appris le mot créneau, c’était je pense au cours élémentaire  deuxième année, quand on avait abordé l’histoire de France et la féodalité, tout de suite après les Gaulois, le vase de Soissons et Charlemagne. Créneaux, donjon, chemin de ronde,  meurtrières, mâchicoulis (à ne pas prendre par erreur pour le chewing-gum des gens du Moyen Age), poterne… Peut-être bien que la liste n’était pas complète alors, je ne me rappelle plus, mais en tout cas donjon et créneaux étaient bien là. De quoi transporter avec soi pour toute sa vie l’image du dessin bien net délimitant la crête des murs au sommet des châteaux forts (jusqu’au moment, du moins, où on  rencontre les merlini italiens échancrés dans le haut comme la partie libre des bannières et gonfalons ; là, on superpose les images et les connaissances). Donc, en totale docilité à ce relief bien carré de creux et de bosses, on imagine le créneau à faire au cours des manœuvres des autos-écoles ; le fin du fin c’est de réaliser avec des roues de travers un dessin parfaitement à angles droits devant, derrière et le long du trottoir. Puis, en raison probablement de l’étroitesse de la marge qu’un créneau vous offre pour vous parquer, on ajoute l’idée de restriction, de faible liberté de manœuvre : vous disposez ainsi d’un créneau entre deux obligations contraignantes, vous allez pouvoir soit engloutir un sandwich jambon-beurre sur le pouce, soit un petit noir sans même l’arroser – pas le temps en tout cas d’aller faire une visite impromptue à votre petite amie à l’autre bout de la ville et il vaut mieux pas. Vous voyez comme les connotations s’alourdissent : peu de temps, nécessité de sauter sur l’occasion. Enfin on en arrive au royaume des éditeurs, et là les connotations sont tout simplement négatives : votre manuscrit ne rentre pas dans le créneau souhaité,  il faudrait raboter ici et là mais on ne vous dit pas sur quelles nodosités déplaisantes faire porter votre bûcheronnage, et si on vous offre quelque synonyme emprunté à un autre domaine, c’est pour vous informer que vous ne rentrez pas dans le profil de leurs collections ou que vous ne vous situez pas au niveau des insertions possibles dans leurs programmes. Amusez-vous à ce petit jeu des déviances, c’est plus passionnant que les déviances politiques et ça ne bouffe pas de pain.

 

                                                                                 Lucette DESVIGNES.

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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 11:29
     C'est ce que je vous avais annoncé hier en conclusion, accablée que j'étais de penser qu'on pouvait sans frémir accepter de modifier un nom par un  adverbe - mais oui, c'était l'horreur! Et je vous avais laissés, mes belins-belines, sur des exemples qui me révulsaient. Tout compte fait, je me demande aujourd'hui, après une nuit d'insomnie et de méditation sur ce point, si au contraire vous n'aviez pas haussé les épaules en trouvant qu'un adverbe pouvait bien modifier tout le monde et son père, cela ne vous faisait ni chaud ni froid. Sic transit gloria mundi - ainsi passe la gloire du monde, la gloire, c'est-à-dire le corpus de ce qui a fait notre expression   la plus reconnue (en effet, si on ne sait plus quelle est la fonction de base des parties du discours, et si en plus de ça on s'en moque, où allons-nous, mais o*ù allons-nous?). Ah! mes belins-belines, un adverbe c'est fait pour modifier, mais pas n'importe quoi! Une préposition, ça sert à introduire, mais pas n'importe quoi non plus. Chacun a sa fonction en grammaire, de même que chacun de nos ministres. Que deviendrions-nous si nous n'avions plus Woerth et Lagarde pour nous dire que tout va bien? si nous n'avions plus Besson pour nous dire que les immigrés n'ont jamais posé problème chez nous? ou Sarkozy pour nous dire que nous volons vers des avenirs radieux? Eh bien je vais vous le dire, moi : on croirait tout simplement que ça va mal, que les immigrés sont pour nous un problème purulent,  que l'avenir est sombre jusqu'à l'obscurité totale. Vous voyez à quoi nous échappons si nous écoutons nos ministres - et c'est facile : on les voit et on les entend souvent, il n'y a qu'à tourner un bouton (question à dix francs : le tourner dans quel sens?). J'en reviens à tirer mon échelle : je vais conclure cette promenade entre les mots puisqu'elle vous fatigue, mais non sans vous signaler quelques horreurs auxquelles vous devrions bien faire attention. De même qu'on ne peut pas modifier un nom par un adverbe si puissant qu'il soit, de même on ne peut pas dire J'ai très faim, j'ai très soif, ça me fait très plaisir... Mais non, mes belins, mais non mes belines, il faut dire J'ai grand faim, j'ai grand soif, j'ai grand peur, j'ai grande envie... Comme quoi vous voyez que les fautes de langue dataient d'avant les tendance, classe ou boutique de notre temps. Pas une raison pour les ajouter à votre panoplie.Et puis, à vos chats, vous vous devez de donner de bonne habitudes.
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27 janvier 2010 3 27 /01 /janvier /2010 09:34

TOUJOURS LES MOTS

 

Il y en a tant, mes belins-belines, qui posent des problèmes fascinants, que je ne sais trop comment les sélectionner. Au passage, j’aimerais attirer votre attention sur les glissements de sens qui sont dûs aux habitudes sociétales fluctuantes. Ainsi par exemple le mot « export » employé comme adjectif, mot anglais bien de chez nous au départ, d’abord désignait un produit non gardé pour la consommation courante nationale parce que de qualité supérieure donc trop cher, puis très vite on n’a retenu que la notion de qualité supérieure sans plus tenir compte de l’exportation. Encore plus net l’exemple de « standard », qui signifie conforme à la règle, à la moyenne. Méfiez-vous de son glissement « tendance » ! Si vous souhaitez refaire votre salle de bains, vous choisissez avec soin la couleur des peintures et céramiques, lavabo carrelage carreaux muraux robinetterie, idem pour le luminaire – mais en matière de baignoire il peut vous sembler suffisant de la commander standard, c’est-à-dire blanche, la plus ordinaire qui soit. Surprise quand on vous l’installe : le modèle standard est désormais ergonomique (ah ! celui-là, l’entendons-nous assez souvent ! oreillers, épluche-légumes, manches de casseroles…) c’est-à-dire adapté à votre corps et à sa force. Résultat : à votre premier bain vous vous trouvez coincé entre d’étonnants reliefs, creux difficiles à remplir et protubérances gênantes, largeur réduite pour vos fesses, c’est « fonctionnel » que voulez-vous ! lit de Procuste ou non il vous faut vous y conformer. Le plus drôle de l’affaire est l’ahurissement de la vendeuse à laquelle vous venez vous plaindre en brandissant le mot « standard » sur tous les tons : elle est partagée entre le fou rire (d’où il sort, ce mec qui ne sait pas que standard veut dire ergonomique?) et l’envie d’appeler la Sécurité (c’est un fou, ce mec, fou à lier). L’incrustation de mots étrangers (déjà dans leur pays signes de déviance la plupart du temps) comme Cool ou cocooning n’est rien à mon avis au regard des déviances portant sur nos propres expressions. J’ai cité  fonctionnel, ergonomique, standard parce que j’en avais besoin pour mon raisonnement, mais l’emploi abusif de noms dans la fonction d’adjectifs se répand comme une traînée de poudre :  c’est mode (celui-là c’était l’ancêtre), c’est tendance, c’est classe, c’est couture, c’est boutique, c’est design… Ajoutez-leur un adverbe (très tendance, très boutique, très classe…) et il n’y a plus qu’à tirer l’échelle.

 

                                                                                 Lucette DESVIGNES.

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