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17 octobre 2019 4 17 /10 /octobre /2019 16:53

ON S INTERROGE A L ENVI...

 

          Le problème du voile est épisodique, vicieusement souterrain pour rejaillir soudain, accroché à un fait-divers sans importance qui se met à déchirer la nation ou dépendant de l'envie de faire parler de lui, par interviews et apparitions à la télévision, d'un individu quelconque qui veut faire croire qu'il pense. Le voilà, ce voile, sinon en train d'enflammer les esprits, du moins plombant tout autre sujet de réflexion, tout simple désir d'échange par l'intermédiaire des médias. Tout le monde est las d'en parler, car pour chacun le commentaire se fait toujours dans les mêmes termes depuis la nuit des temps. Il est particulièrement avéré - et reconnu par tous - que le voile est le premier signe de soumission de la femme à la loi musulmane imposée par le mari, donc soit elle persiste et signe en l'adoptant avec provocation (c'est le fait des excitées jeune génération qui veulent bien s'exhiber dans les piscines comme n'importe quelles femmes mais à leurs heures et en burkha de bain), soit elle le porte par habitude, par tradition, sans l'imposer à sa progéniture et ça n'a rien d'hostile ni de définitif. Or tout ministre ou ministricule donne son avis : c'est nocif, c'est dangereux, c'est inoffensif, c'est chargé de haine, c'est peu souhaitable (dernière nuance, brandie en haut-lieu), d'où une nouvelle tempête comme à chaque fois qu'un adjectif inédit est mis sur le marché. Mais c'est l'avis du patron qu'on voudrait, crient les commentateurs à l'envi, pas celui de tous ses sous-fifres! Eh bien il se met en devoir de parler, le patron : en retard, comme d'habitude, quand la mayonnaise est déjà bien montée. Et, comme d'habitude, tout le monde se gratte la tête :Vous avez compris ce qu'il a dit sur le voile, Ma'me Zinzolin? Moi pas! Et je vous assure que j'ai pas manqué une syllabe : j'avais bien mis mes prothèses, j'étais tout ouïe, oh pour de la parole j'en ai eu en veux-tu en voilà, mais j'ai toujours pas su ce qu'y fallait en faire.

         

 

 

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16 octobre 2019 3 16 /10 /octobre /2019 10:12

A PROPOS D UN MANUSCRIT

 

          Un vrai bonheur : j'ai reçu un manuscrit d'auteur, plutôt infâme dans son aspect miteux et mangé des rats, avec la proposition d'en faire quelque chose. Non pas le reprendre et le réécrire, comme l'art (!) s'en est si bien installé parmi les gendeplume, à tel point qu'on réécrit dans l'espoir de pouvoir le publier un téléfilm ou un feuilleton qui ont obtenu quelque succès sur le petit écran. Pas question! Lorsque Brecht réécrivait les Lumières de la Ville de Charlie Chaplin, ou encore L'Opéra de Quat'sous de John Gay, il savait bien qu'il travaillait sur des éléments précieux et il savait aussi parfaitement ce qu'il voulait en faire - mais il n'y a plus de Brecht dans notre société de consommation des loisirs. Ce qui me revient dans cet envoi de manuscrit mité, c'est d'y rechercher ce qui peut encore être sauvé, s'il y en a occasion. J'ai déjà consacré quatre articles aux deux romans de l'auteur disparu, et j'ai été fascinée par la manière souterraine et ouvertement complexe dont se dégageait peu à peu du tricotage de son texte une figure énigmatique et troublante, trouble aussi parfois : celle du narrateur qui domine tout l'agencement des deux romans l'un contre l'autre. Je me lance donc sur la piste comme un setter irlandais qui hume l'air des marais pour y détecter des bécasses - mais pas, comme le fait ce malheureux converti aux moeurs assassines de son maître, pour signaler la proie palpitante à l'engin meurtrier qui le suit, pour détruire de la vie : au contraire, si j'arrivais à redonner quelque vie à un ou deux passages de ces lignes mortes ou agonisantes, j'en serais heureuse. De tout manière je vous tiens au courant, bien entendu.

 

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15 octobre 2019 2 15 /10 /octobre /2019 11:36

DISCOURS A TENEUR MACRONIENNE

 

            De même que la nuit se consacre (ou du moins devrait se consacrer) à l'étreinte des bras de Morphée, de même ma journée d'hier s'est trouvée tout entière consacrée aux champs d'exercice de Gallien et d'Hippocrate (et qu'ils aillent bien se débrouiller ensemble, ces deux-là : je me lave les mains de leurs divergences d'opinion). Les lieux de pratique n'étant pas ceux où je règne en maîtresse, casanièrement, avec mes petites pantoufles, j'ai dû me déplacer en taxi, laquelle perte de temps et source d'énervement m'a empêchée de vous offrir, chers belins-belines, ma harangue coutumière. Sans doute n'y avez-vous pas perdu grand-chose, mais du moins je me devais de me  faire pardonner. Vous savez que ces manquements m'agacent et m'humilient, et je me demande si je n'aimerais pas mieux remplir une page de caractères spéciaux (après tout cela ferait une originale décoration, à défaut de la délivrance d'un message clair) au lieu de laisser  un blanc dans mon éphéméride. Toujours est-il que je vous ai dûment contactés aujourd'hui : c'est mieux que rien, bien mieux même que trois fois rien. Certes si j'étais Raymond Devos je pourrais encore vous en dire de savoureuses,  mais les choses étant seulement ce qu'elles sont, je me contente de vous dire A demain..

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 16:48

CORRECTION D' UNE FAUSSE ERREUR

 

          Le défaitisme n'engendre guère de résultats brillants : j'étais si persuadée vendredi que j'allais louper l'envoi correct de ma livraison hebdomadaire que j'ai cru en avoir expédié deux portions de trop. Consternée, dépitée, amère, désolée de me découvrir si inaméliorable, j'avais sur-le-champ rédigé un blog vengeur prévoyant que puisque par deux fois encore vous seriez par ma faute privés de votre lecture du week-end, je vous concocterais des blogs de remplacement. Il était tout prêt pour samedi, ce blog expiatoire. Mais l'été de la Saint-Martin ayant décidé de m'adresser un dernier rayon de soleil, le rectificateur de toutes mes bévues informatiques m'a démontré que tout s'était fort bien passé et que je n'avais nulle raison de me fouetter de verges. Du coup, j'ai suspendu hier l'envoi de mes jérémiades, sans pour autant les remplacer (j'aurais même presque envie, incorrigible pessimiste, de les mettre en réserve pour la prochaine occasion, cela me paraît de bonne guerre). Mais j'aime mettre les points sur les I, régler mes comptes : je vous expédie donc aujourd'hui les explications (delayed au sens international de "en retard", et non pas "délayé"), car si près d'un palier important il ne s'agit pas de laisser passer des erreurs. Palier important? Vous avez bien dit un palier important? Mais oui, on y va, on y court. Ce sera à peine une surprise.

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11 octobre 2019 5 11 /10 /octobre /2019 09:19

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LAURE A L' ŒUVRE, chapitre I, pages 85 à 87

 

(vendredi 11 octobre)

 

CHAPITRE I

 

 

          Et voilà qu’il se sentait rempli d’une espèce de solennité, comme s’il voyait clairement en lui les territoires à arpenter. Il ne sentait nulle attirance vers le passé, le passé des gens, le passé des faits et leur agencement dans l’Histoire. N’était-ce pas après tout parce qu’il avait été déraciné dès l’enfance, coupé de ses racines nationales ? Bien sûr, grand-mère Zora lui avait chanté des berceuses de son pays, lui avait raconté les légendes qui traînaient dans son souvenir depuis des lunes. Et l’avait sagement entretenu dans sa langue maternelle, si bien qu’à sa mort il avait pu, à l’Université, accroître ses connaissances de littérature et approfondir son bagage linguistique, ce qui n’avait nullement fait obstacle à une intégration sans réserves. Mais ces thèmes de légendes ou de berceuses étaient-ils donc si naïfs ? il ne s’y sentait pas plus rattaché qu’à son passé serbe qui lui apparaissait comme à la fois simpliste et répugnant puisqu’il ne consistait qu’en guerre horrible et déchirements entre frères. Il avait de lui-même tâché de se tenir à l’écart, se détournant avec amertume des nouvelles et de la vérité de cette sale guerre, et si la haine de la guerre et des armes l’emplissait furieusement pour autant il refusait de situer ses thèmes dans son passé, qui ne pouvait que parler de sang, de tortures, de cruauté et de larmes. D’ailleurs cela se décidait au sein de ces limbes qu’il portait au profond de lui, or pas une seule fois la voix impérieuse qui avait trouvé un itinéraire jusqu’à son truchement à lui pour l’amplifier et la faire entendre à l’extérieur n’avait fait allusion au passé : pas de décor, pas d’images, pas de couleurs, pas d’atmosphère. Au contraire, cette sorte de lumière blanche des films de science fiction, cet éclairage de Guerre des Etoiles et d’intérieur de vaisseau spatial où l’on se mouvait à l’aise, avec des humains pas tout à fait humains de visage ou de démarche, avec l’impression qu’on avait réellement décollé de cette planète encombrante et maussade, où les pires ignominies se trouvaient avoir droit de cité. Il y avait donc du même coup tout le champ des mutants qui ne demandait qu’à se laisser développer et renouveler, et tout le domaine du rêve à traiter comme un objet palpable, vous délabrant sans doute pour se frayer un chemin hors de ses brumes, mais déroulant à perte de vue ses offres d’exploitation.

          Il y avait tant d’univers à créer, faute d’en avoir sous la main à découvrir parmi les galaxies disséminées qu’on ne cherchait plus à compter par découragement… Le champ était libre. Recréer la vie sur cette planète à partir d’un gommage total, inexorable et minutieux. La repeupler en tournant le dos aux patrons sur mesure qui avaient instauré des fonctionnements meurtriers et criminels, en refusant tous les schémas de la facilité, en évacuant les systèmes qui tous avaient fait faillite. Refaire le monde. Ou peut-être, à partir d’un panorama d’apocalypse où la cendre et la suie se partageaient le territoire, se projeter dans un futur d’angoisse pour en faire ressortir l’imminence. De toute façon la vision du futur ne pourrait être que terrifiante, il était inutile de se persuader du contraire.

          Cela ne voulait pas dire non plus que dans le passé tout allait pour le mieux. Au contraire, elle insistait toujours, lorsqu’elle évoquait les temps anciens, sur la dureté d’assurer la survie de sa famille à peu près à toutes les époques. Elle lui avait brièvement parlé du Cri du Ventre, une pièce de théâtre qui avait été créée à l’occasion du bicentenaire de la Révolution de 1789 et dont le titre disait bien ce qu’il voulait dire. Elle faisait renaître les journées des 5 et 6 octobre, lorsque le peuple de Paris s’était en masse rendu à Versailles pour en ramener « le boulanger, la boulangère et le petit mitron », car de toute évidence une fois arraché à la cour le monarque allait remplir les coffres des boulangeries et par sa seule présence faire cesser la famine. La création de la pièce avait eu lieu exactement dans la semaine du 6 octobre 1989, deux siècles plus tard, et l’accent avait été mis sur les tourments de la faim accablant une famille de paysans, eux qui pourtant faisaient pousser le blé mais n’avaient pas le droit de le moudre à leur convenance. Oh elle était ouverte à cet aspect-là du passé et sans aucun doute c’était cette vision sévèrement lucide qui avait déterminé sa philosophie et son attitude militante.

          Et pour autant elle conservait pour le passé une fascination dont elle n’avait jamais pu se déprendre. Il avait deviné peu à peu, avec étonnement, que les souvenirs tirés des ténèbres profondes affleuraient sans cesse à sa pensée, que des images ou des réflexions oubliées, des émotions insolites, se mettaient à surnager, proches de l’arrivée à la lumière, et son expression au repos était davantage tournée  vers l’intérieur, comme si elle n’en avait pas fini, jamais fini, avec l’exploration de ces réserves. Lorsqu’il voyait flotter sur cet air absorbé un vague sourire, il comprenait que cette résurgence d’un passé qui lui était personnel n’évoquait rien de déplaisant, avec ses secrets et ses petits riens, et qu’elle pouvait s’en nourrir avec satisfaction. Sans doute même pouvait-elle, à cause de cette distanciation désormais possible, transformer les zones pénibles ou irritantes de chaque évocation, amertume dominée par la sagesse due à l’âge par exemple, ou encore détachement – sage aussi – d’éléments qui autrefois avaient dû la meurtrir.

            Il  s’étonnerait toujours de la voir si étroitement liée au passé, le sien d’abord, ce qui allait de soi, mais à toute évocation qui se situait en arrière, portant l’étiquette de l’achevé, du terminé, du déjà dépassé. Ainsi son attirance instinctive pour l’Histoire, pour les atmosphères historiques – sinon pour les romans historiques dont elle méprisait la formule, de la même aversion qu’elle repoussait l’opéra, chaque genre souffrant à ses yeux de la même bâtardise dégradante. Il était possible et même probable que la mise sur pieds de deux histoires de familles, surtout de pareille ampleur et avec tant de détails rigoureusement d’époque, l’eût cantonnée dans des secteurs en contraste continuel avec les rythmes du présent. Tout de même, on la sentait tellement à l’aise (et elle-même à l’occasion disait et répétait son plaisir d’écriture à se plonger dans ces cadres ou ces ambiances avec leurs tempi et leur éclairage) qu’on ne pouvait s’empêcher de la trouver dans son élément. L’ivresse à revivre son enfance et son adolescence, cela ne s’inventait pas : tout le monde l’avait senti avec force et nuances. Le contexte de Clair de Nuit (lui, c’était peut-être au fond le roman qu’il préférait, elle lui avait dit une fois que c’était le préféré de Rémi, il avait été heureux de cette coïncidence de leurs goûts) était en principe installé dans le présent, et même dans l’exacte contemporanéité puisqu’il se datait facilement : de La Matinée au Dernier Soir c’était ce week-end du 15 août 1981 où il s’était passé tant de choses, et cependant rien n’aurait pu offrir occasion au récit si le passé n’avait pas été là, frappant à la porte à chaque instant, retrouvant dans l’évocation d’émotions déjà lointaines mais non oubliées une puissance d’action qui soulevait des montagnes.

          Il y avait eu aussi ce Voyage en Botulie  qui fustigeait le présent – la société, la civilisation occidentale avec toutes ses tares – de manière sanglante, mais qui avait eu besoin pour l’amour du contraste de démarrer au temps de La Pérouse et de Vaucanson, au temps des rapports de courtoisie empesés et discrets entre maître et disciple, au temps où l’esprit d’aventure tentait les esprits au point de chercher à tracer des suppléments aux cartes établies pour figurer l’univers. Et l’autre grand roman sur la libération de l’individu et son accession à la pleine réalisation de soi, avec une femme choisie comme modèle, s’était bel et bien installé sous l’Ancien Régime, pour montrer avec l’ouverture des esprits l’ample essor de l’Histoire, Colombe émergeant hors de sa servitude de manante pour acquérir l’envergure de la femme forte.

          Oui, malgré elle, c’était le passé qui la charmait. Ils avaient revu l’autre jour sur le petit écran l’adorable et si subtil Belles de Nuit  de René Clair, et il n’avait pu s’empêcher de penser à Laure – sans le lui dire évidemment – en retrouvant à chaque tranche de temps ce petit vieux furieux de l’époque présente qui, toujours dans les mêmes termes rageurs et consternés (« Ah ! Monsieur, quelle époque ! »), concluait sur l’évocation de son époque à lui, où tout était si facile et si beau. Pourtant on ne pouvait l’accuser de passéisme. Si elle s’immergeait dans les mentalités des siècles passés, c’était pour en extraire les manquements à l’humanité, les tares et les vices, les misères et les souffrances des faibles. Il lui était peut-être tout simplement nécessaire de s’appuyer sur du terrain solide, éprouvé, sur du matériau tangible et déjà existant, aussi bien pour l’œil que pour la connaissance. Il existait  bien des enfants de la terre qui avaient une viscérale horreur de l’eau, des étendues à horizon perdu, des houles ravageuses, des mondes à deviner au-delà. Elle en faisait partie, aucun doute là-dessus.

 

(à suivre)

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10 octobre 2019 4 10 /10 /octobre /2019 11:00

ANNIVERSAIRES

 

          A force de compter amoureusement les pages de blog au fur et à mesure qu'elles s'égrènent, j'ai presque fini par perdre de vue qu'elles constituent des années. Heureusement l'administration veille sur moi, tout aussi amoureusement semble-t-il (vous savez bien, cet oeil de Moscou, ce Big Brother qui bloque mes titres quand ils indiquent trop ouvertement la tonalité politique du billet, qui me salue avec une cordialité affichée - "Bonjour Lucette Desvignes, quel plaisir de vous retrouver! -  dès l'ouverture du tableau de bord) et se met dûment en devoir de me souhaiter mon anniversaire). Non pas celui du calendrier civil, qui les étonne peut-être (à quatre-vingt quatorze ans bientôt, n'est-on pas en effet à ranger du côté des chrysanthèmes, dans l'impossibilité de passer le week-end?or je crois avoir encore toutes mes billes, comme on dit aux USA, avec des neurones en parfait état), mais bien l'anniversaire de mon blog. Onze ans aujourd'hui, ça n'est pas si mal. J'avoue, si je consens à me passer au peigne fin, que  je lui ai peut-être donné une forme protéique, billet d'humeur, vade mecum pour le tonus de la journée, considérations sur le monde, l'actualité, la grammaire, le style, le cinéma, l'art dramatique, avec un ton tranchant, catégorique, sans nuances aussi souvent que cela s'est montré nécessaire. De plus, le "Belins-belines" hérité du lyonnais,  qui se voulait au départ rempart contre l'inconnu des affrontements à venir par le biais d'un commerce quotidien de maître à disciples (une petite poignée,  peu difficile à se représenter dans les ténèbres du Web) s'est raréfié, malaisé d'emploi pour l'immensité des foules qui désormais se pressent pour m'écouter. Mais je ne veux pas faire souffrir davantage ma modestie, elle qui s'effarouche si vite, et je préfère laisser à votre imagination le soin de vous représenter cet auditoire suspendu à mes lèvres. A pareilles foules, même si on a le coeur sur la main, peut-on sans forfanterie dire "mes belins-belines?"'

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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 09:13

L'HORREUR DU MONDE

 

          De plus en plus fréquents, les bons documentaires cherchent à faire la lumière sur les conditions désastreuses dans lesquelles vivent les esclaves des domaines bananiers ou de l'industrie textile. Parfois l'explosion ou l'effondrement d'une usine où s'exténuent des milliers d'ouvriers pendant seize heures par jour nous fait frémir en découvrant la gestation de nos T-shirts et jeans si bon marché, puis on n'en parle plus. Ou alors on  apprend que les ouvrières d'une usine de tissage, collées à leur machine pendant  dix-huit heures, n'ont pas le droit de s'interrompre pour manger ni aller aux toilettes : qu'elles se débrouillent. Ces enquêtes sur le quart-monde sont salutaires et devraient nous frapper d'indignation et peut-être de remords parce que ce sont nos rythmes de  superconsommation qui ont engendré la désespérante misère des pauvres. Mais les romans de pays émergents (ou tout aussi bien ravagés par les guerres depuis des lustres) sont plus frappants encore, car ce sont des personnages auxquels nous nous sommes attachés qui subissent pareil sort. J'ai découvert par la littérature les conditions abominables de survie par exemple au Cachemire, où les Pakistanais décapitent  sans la moindre hésitation. Ou bien - et c'est pour moi la pire image récoltée - dans l'Inde où affluent des immigrants à la recherche d'un job et qu'on confine à tailler des pierres, quand on brûle leur carcasse dévorée par la maladie, leurs poumons ne peuvent brûler tant ils sont gorgés de poussière de pierre, et au milieu des cendres se dressent ces poumons de pierre scintillante comme d'effroyables témoignages de la déshumanité du monde.

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8 octobre 2019 2 08 /10 /octobre /2019 09:19

LES INDUSTRIES DANS LA CITE

 

          L'industrie, quels que soient le matériau ou les mélanges sur lesquels elle a  construit son empire et où que cet empire se trouve situé, ne peut qu'être pernicieuse à l'humain. Les accidents dans le fonctionnement des machines (incendies, explosions, nuages toxiques, déversements de liquides, infiltrations pérennes dans le sol) surgissent dans notre mémoire au simple rappel de leur nom, même si les catastrophes remontent à des décennies. A chaque fois il y a, si la chance veut que  les morts ou les grands blessés soient épargnés, des dégâts humains, physiques ou psychologiques, pratiquement inguérissables, pour ne rien dire de la propagation des nuisances bien au-delà du voisinage du sinistre. On a par exemple trouvé jeudi dans la Seine près du Havre des pâtons d'hydro-carbures crachés par Rouen, et on a beau jurer officiellement que les fumées d'une semaine qui empuantissent les lieux sont sans danger, comment croire les affirmations d'un  premier ministre qui avoue ne pas être au courant de la nature des produits impliqués dans la combustion et l'explosion? Il faut bien voir que le   sinistre s'est produit au beau milieu de la vie quotidienne de la cité parce qu'il était logé au coeur de la cité, hérésie criminelle qui a déjà entre autres abouti à la destruction d'un bon morceau de Toulouse (question impertinente : tout le monde a-t-il été relogé, après tant d'années? Voire, dit Panurge...). Il faudrait examiner le problème de l'implantation des sites industriels avec un peu plus de rigueur et sans céder aux chants de sirènes des lobbies intéressés : pour autant les installations dangereuses dont profitent outrageusement les grands magnats n'ont pas non plus de raisons valables d'être choisies en fonction de l'isolement, du faible peuplement, de l'absence de vie active des beaux coins encore non pollués du territoire...

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7 octobre 2019 1 07 /10 /octobre /2019 16:56

L'Hôpital pour des proches

 

          Difficile de ne pas s'attrister lorsque vous vous sentez environné par la maladie, non pour vous-même mais par celle qui rôde alentour et vient de se laisser choir sur l'un de vos amis proches... Et certes vous pouvez déplorer d'être resté si longtemps sans contacts - malentendu, flemme d'écrire, surmenage - avec une grosse proportion de remords dans cette masse de regrets... Oui vous auriez dû... mais vous n'en  avez rien fait. Et voilà le contact repris (ô honte, même pas grâce à vous) et à l'émotion de cette reprise se mêle le chagrin d'apprendre la maladie, la souffrance, les épreuves incessantes, les humiliations. Tout ce que le contexte d'hôpital, de traitement, de séances de chimio (avec tout ce que cela entraîne à son tour de consternant, de difficile à partager, de sourde-ment révolté) assène à l'individu en plein essor lui apprend  qu'il est désormais marqué, comme les deux majuscules KG peintes en blanc au dos des prisonniers de guerre placardent l'interdiction de s'en tirer (je fais cette comparaison parce que j'ai enfin revu La Vache et le Prisonnier, et pardonnez-moi mais c'était consternant de médiocrité et de bécassinerie, même si j'ai pu en rire à sa sortie : il y a soixane-dix ans, et ça ne passe plus). Ce contexte d'hospitalisation avec ses séquelles et ses adhérences englue l'atmosphère autour de vous,  plombe l'horizon, vous rend silencieux et méditatif.  Carpe diem, carpe horas...Finalement c'est ce qu'on peut retenir, mais sans grand enthousiasme.

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5 octobre 2019 6 05 /10 /octobre /2019 12:15

QUESTION DE VOCABULAIRE

 

 

          Les commentateurs d'hier matin, même ceux ou celles de tendance officiellement macronienne dont l'embarras était visible, ont jovialement glosé sur le vocabulaire qu'emploie M. Macron,  qui est le sien avec ses significations à lui, mais qu'il propose comme la passerelle essentielle, non point de communion avec lui (il n'est tout de même pas aveugle à ce degré) mais de communication comme il l'entend. Au cours de son nouveau tour de France avec l'objectif de réchauffer les territoires trop tièdes en prévision des municipales, il avait proposé (et fait organiser : les lieux étaient choisis, les invités sélectionnés, techniquement tout marchait comme sur des roulettes) un de ces grands débats dont il a la nostalgie et qu'il impose partout où il passe, ou presque, avec la certitude qu'à chaque contact il se gagne des voix enthousiastes et fidèles. Or il se trouve qu'échaudés par le flop du Grand Débat de printemps qui devait tout régler, les citoyens, même ceux de ces trous perdus de la Lozère ou de l'Auvergne, ne prennent plus sa parole pour argent comptant, autrement dit pour du cash. C'est qu'ils conçoivent un débat comme une discussion sur des sujets qui fâchent, où les arguments s'affrontent et où on termine, si tout va bien, par un accommodement qui fait perdre des plumes à chacun mais qui le fait gagner d'autre part, soit, dans le conflit actuel, un arrangement qui ferait enfin comprendre au patron ce que lui crie le peuple depuis bientôt un an et qu'il continuera de lui crier tant que le patron n'aura pas cédé après avoir compris. Le débat dont M. Macron avant-hier encore nous donnait le modèle, c'est un exposé de ses manières de voir selon sa pédagogie favorite, et ensuite seulement il tend le micro aux réclamations, théoriquement s'en inspirant pour améliorer ses décisions, en réalité laissant faire laissant dire laissant passer ce qui vient d'en bas en feignant d'écouter, puis il assène un petit commentaire léger, un petit coup de cuillère à pot, pour chaque question posée et prend congé en abandonnant les invités sur leur faim. Ce faisant, il rêve qu'il vient de débattre avec le monde, tandis que son flash de com' est tombé à plat aux pieds des citoyens qui se regardent avec consternation.

 

 

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